Sylviane Pantigny

Apollonie et les jours

Albiana

Ajaccio, 2005

bibliothèque insulaire
   
des femmes et des îles
Méditerranée
parutions 2005
8ème édition du Prix du Livre Insulaire (Ouessant 2006)
ouvrage en compétition
Apollonie et les jours / Sylviane Pantigny. - Ajaccio : Albiana, 2005. - 171 p. ; 22 cm.
ISBN 2-84698-135-3

NOTE DE L'ÉDITEUR : Apollonie est une jeune femme corse qui, comme la majorité d'entre elles, en ce début du XXe siècle, rêve d'un destin fait d'amour. Son fiancé est celui qu'elle a choisi et qu'elle désire. Mais dans cette rude vie de paysans accrochés à leurs terres, dans cette vallée du Taravu pétrie de traditions, le drame rattrape aussi les innocents …

Drapée dans son choix, maintenue tout juste vivante par un espoir irradié par la pureté de ses souvenirs, égrenant les jours de la vie aux côtés des siens et participant avec courage aux bouleversements de ce siècle, Apollonie attend le retour du bagne de Jean-Baptiste …

Sylviane Pantigny est installée en Corse où elle partage son amour de l'île et de l'écriture. Elle livre ici son premier ouvrage.

EXTRAIT

Les voltigeurs arrivent sur le plateau lorsqu'un des chevaux pousse un hennissement ; les animaux possèdent-ils un sens de ce qui peut briser l'harmonie du monde, que nous aurions perdu ? Où peut-être, tout simplement, le cheval qui hennit est un étalon excité par l'odeur de la jument qui galope en tête du troupeau, là-bas sur les crêtes, sa crinière blonde dans le vent.

C'est ce hennissement, comme le cri d'une liberté perdue, qui réveille Apollonie. Elle ouvre les yeux et se tourne vers Jean-Baptiste, se penche vers ses lèvres et respire son souffle tiède. Elle regarde ses cils bruns et soyeux et un sourire d'amour glisse sur son visage. Elle se dégage très lentement des bras qui un instant la retiennent, passe sa chemise, son jupon, et se lève, sa chevelure rousse sur les reins. C'est au moment où elle ouvre la porte que son cœur se serre. Le silence, uniquement peuplé du clair chantonnement de la source, s'abat sur elle. Elle sort et noue sa chevelure dans un foulard noir. Les voltigeurs restés sur leurs montures forment un demi-cercle à une vingtaine de mètres et pas un mot ne franchit leurs lèvres lorsqu'ils voient la jeune silhouette d'Apollonie, les bras nus levés, la tête inclinée vers l'avant, qui se découpe dans l'encadrement de la porte.

Un des voltigeurs se souvient d'un tableau de Vermeer qu'il aime particulièrement, un autre tombe immédiatement fou amoureux et passera sa vie dans les bras de femmes rousses sans retrouver ce mélange de pureté, d'innocence et de sensualité qui caractérise l'apparition d'Apollonie, un troisième enfin voit ses doutes confirmés et décide de quitter sur le champ le corps des voltigeurs. Il éperonne son cheval, claque la langue, et c'est à ce moment qu'Apollonie, relevant la tête, les découvre.

p. 68

mise-à-jour : 9 mai 2006

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