Histoire d'un squelette / Matayoshi Eiki ; traduit du japonais par Patrick
Honnoré. - Arles : Philippe Picquier, 2006. -
240 p. ; 21 cm.
ISBN 2-87730-839-1
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9ème
édition du Prix du Livre Insulaire : Ouessant 2007 |
livre
en compétition |
Le squelette d'une femme est découvert
lors de fouilles archéologiques sur l'île
d'Okinawa. L'évènement ravive une tension latente
dans la population entre ceux pour qui l'avenir passe
nécessairement par une intégration plus
étroite dans l'ensemble japonais et les
défenseurs de l'identité et des traditions de
l'archipel 1.
Deux jeunes femmes incarnent ce clivage :
Kotono milite pour le progrès et l'intégration,
Sayoko revendique en toutes circonstance son appartenance à
une lignée aristocratique autochtone. Entre les deux, le
cœur et les sens de Meitetsu, jeune et naïf, ne
cesse de balancer ; pourtant, après avoir
cédé aux charmes de Kotono, il soutiendra les
visées de Sayoko.
Cette trame
permet à Matayoshi Eiki 2
de brosser un tableau vivant de la société
okinawaïenne, de ses particularismes, de ses modes de vie et
des
courants de pensée qui s'y expriment. L'éditeur
français note à juste titre que l'œuvre
et le
milieu dans lequel elle s'inscrit ne sont pas sans affinités
avec la littérature et le monde créoles
— climat tropical, rapports sociaux, culturels et
linguistiques avec la
« métropole » …
1. |
Okinawa est l'île
principale de l'archipel des Ryu Kyu, à
500 km au sud de Kyushu (la plus méridionale des
quatre
grandes îles qui constituent le Japon
« métropolitain »).
Pendant plusieurs
siècles le royaume indépendant des Ryu Kyu a su
maintenir
un équilibre délicat dans ses relations
politiques et
économiques avec la Chine et le Japon ; il fut
définitivement annexé par le Japon en 1879 et
occupé par les Etats-Unis entre 1945 et 1972. |
2. |
Né en 1947, Matayoshi a
été lauréat en 1995 du prix
littéraire Akutagawa (pour Buta no mukui,
non traduit) ; cette prestigieuse distinction avait
déjà été
attribuée à deux écrivains de
l'archipel : Oshiro Tatsuhiro en 1967 (pour Kakuteru
paati, trad. anglaise, The cocktail party, 1996)
et Higashi Mineo en 1971 (pour Okinawa no shônen, trad.
anglaise, Child of Okinawa, 1996). |
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EXTRAIT |
Meitetsu était sur le point de raconter
sa mauvaise expérience avec les Yamatou,
les Japonais de la métropole, et comme quoi sa rancune
n'était pas encore éteinte. Mais il n'avait pas
vraiment envie de parler des différences entre Okinawa et le
Yamato avec une femme avec qui il avait couché la veille.
« On
dit que les gens d'Okinawa sont accueillants et acceptent tout le
monde, mais c'est juste pour les gens qui viennent passer deux ou trois
jours. Quand il s'agit de quelqu'un qui vient habiter à
côté ou qui vient travailler avec eux, c'est une
autre histoire. Comme ils ont un complexe
d'infériorité vis-à-vis des Japonais
de la métropole pour la langue ou pour le travail, ils font,
comment dirais-je … de la
ségrégation
inversée ! »
Meitetsu trouva qu'elle y allait un peu fort.
« On
parle toujours du magnifique esprit de solidarité qui anime
les Okinawaïens, continua-t-elle, mais la
réalité de la vie ici, c'est de dire avec le
sourire à son voisin : " La femme de votre
fils aîné est bien
gentille … " et d'aller raconter
à tout le monde ce qu'ils avaient à manger ce
jour-là ; ça ne dépasse pas
ce niveau. »
Meitetsu se sentit soudain choqué et
eut envie de répliquer : « Tu
veux donc détruire le sens de la
communauté ? » mais le cou et la
naissance des seins de Kotono
pénétrèrent dans son champ de vision.
Il y avait mieux à faire que se disputer avec
elle …
☐ p. 70
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- «
人骨展示間 (Jinkotsu tenjikan) », Tōkyō :
Bungei Shunjū, 2002
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mise-à-jour : 2 mai
2014 |
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