Les îles de la
déraison / Robert Graves ; trad. de l'anglais par
Claude Seban. - Paris : Stock, 1995. -
471 p. ; 23 cm. - (Nouveau cabinet
cosmopolite).
ISBN 2-234-04488-X
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Quand il quitte le
Pérou en 1595 pour aller coloniser les îles
Salomon, découvertes un quart de siècle plus
tôt lors de son premier voyage transpacifique, Alvaro de
Mendaña n'est pas seul ; les trois bateaux de la
flotte qu'il commande ont embarqué près de 400
personnes, au nombre desquelles une centaine de femmes et
d'enfants : les îles de cocagne du Pacifique
occidental doivent être peuplées
d'Espagnols ! Seul, Mendaña l'est d'autant moins
qu'il voyage avec sa femme, doña Ysabel Barreto, elle
même accompagnée de trois de ses
frères, d'une de ses sœurs, d'une dame de
compagnie et du mari de cette dernière ; comme l'a
noté par ailleurs Annie Baert, une
véritable affaire de famille.
A bord des quatre navires de
l'expédition, se nouent dès le départ
les fils d'une intrigue qui ébranlera tous les
protagonistes, semant les cadavres par dizaines : ceux
d'îliens fortuitement rencontrés, ceux de nombreux
Espagnols également, noyés,
décimés par les maladies ou fauchés
par les querelles qui déchirent un équipage
hétérogène. Robert Graves n'a pas
besoin de forcer le trait pour dresser un tableau incisif et
édifiant de cette croisière
désastreuse.
Intéressée,
dominatrice, cruelle, Doña Ysabel recueille les fruits du
rêve de son mari. Après l'avoir enterré
sur l'île de Santa Cruz, elle prend la tête du
petit groupe des survivants, moins d'une centaine, pour, en trois mois
de mer, rallier les Philippines où elle est accueillie avec
égards : « Doña
Ysabel descendit à terre comme une reine,
accompagnée de deux éminents hommes
d'Église, et l'on tira une nouvelle salve de canons pour la
saluer. Elle fut invitée à un banquet
à l'hôtel de ville et, dans la soirée,
fut emmenée en canot d'apparat à Manille,
splendidement illuminée en son honneur. Là le
gouverneur général et son épouse la
reçurent dans leur demeure comme si elle était de
sang royal » (p. 456).
Lors de cette seconde
expédition, Mendaña a donc
échoué dans sa
tentative pour retrouver les îles Salomon, un avant-poste,
à ses yeux, du « Continent
Austral »
où il comptait recueillir gloire et richesse pour
lui-même, pour sa femme Ysabel qui avait largement
contribué au financement de l'expédition et pour
la
couronne d'Espagne : « S'il n'y a
pas d'or dans les îles que Dieu m'a accordé de
découvrir, je veux bien être traité
d'âne » 1.
Mendaña est mort
à plusieurs centaines de kilomètres du but qu'il
s'était fixé, mais il a découvert en
route le groupe sud de l'archipel des Marquises : Santa
Magdalena (Fatuiva), San Pedro (Motane), Santa Dominica (Hiva Oa) et
Santa Cristina (Tahuata).
1. |
Plus
de quatre siècle après l'intuition de
Mendaña,
l'entrée en exploitation d'une première mine d'or
est
imminente aux îles Salomon ; cf. Florence de Changy,
« La crise asiatique au secours des forêts
des
îles Salomon », Le Monde, 24
août 1998 (p. 5). |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- Robert
Graves, « The islands of
unwisdom », Garden City (N.Y.) : Doubleday,
1949
- Robert
Graves, « The isles of
unwisdom », London : Cassell, 1950
|
- Robert
Graves, « Majorca
observed », Palma de Mallorca :
Ed. José Juan de Olañeta, 1996
|
- Lord
Amherst of Hackney and sir Basil Thomas (eds.),
« Alvaro de
Mendaña : The voyage to the Solomon islands in
1568 », London : Hakluyt Society, 1901
- Pedro
Fernandez de Quirós, « Narrative of the
second voyage of the adelantado Alvaro de
Mendaña », London : Hakluyt
Society, 1967
- Shirley
Fenton Juie, « Tiger lilies : women adventurers in
the south Pacific », Sydney : Angus
& Robertson, 1990
- Annie Baert,
« Les Espagnols en Océanie ou le premier
regard, Mendaña aux îles
Marquises », Bulletin de la Sté des
Études Océaniennes (Papeete), n° 256-257,
1992
- [collectif],
« Les Espagnols aux Marquises »,
Bulletin de l'association des historiens et géographes de
Polynésie française (Papeete), n° 2, 1993
- Annie Baert,
« Doña Isabel Barreto,
première femme gouverneur et marquise de la Mer du
Sud » : Tahiti Pacifique
(Papeete), n° 42 et 44, 1994
- Annie Baert,
« Premiers regards espagnols sur
l'Océanie : la découverte des Marquises, Journal
du capitaine Pedro Fernándes de
Quirós », Bulletin de la Sté
des Études Océaniennes (Papeete), n° 267,
1995
- Annie Baert,
« Le
paradis terrestre, un mythe espagnol en Océanie : les
voyages de Mendaña et de Quiros 1567-1606 »,
Paris : L'Harmattan, 1999
- Pedro
Fernandez de Quirós, « Histoire de la
découverte des régions australes :
îles Salomon, Marquises, Santa Cruz, Tuamotu, Cook du Nord et
Vanuatu » traduction et notes de Annie Baert,
préface de Paul de Deckker, Paris : L'Harmattan,
2001
- Marie-Eve
Sténuit, « La veuve du
gouverneur », Bordeaux : Le Castor astral (Escales des lettres), 2006
- Annie Baert,
« Marquise
de la mer du Sud : les premiers voyages espagnols en
Océanie », Papeete : Au Vent des
îles, 2011
- Alexandra
Lapierre, « Je te vois reine des quatre parties du
monde », Paris : Flammarion, 2013
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mise-à-jour : 16
mai 2013 |
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