8ème édition du Prix du
Livre Insulaire
(Ouessant 2006)
ouvrage
sélectionné |
La noce d'Anna / Nathacha
Appanah. - Paris : Gallimard, 2005. -
147 p. ; 21 cm. - (Continents noirs).
ISBN 2-07-077496-1
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Nathacha Appanah est
née en 1973 à l'île Maurice ;
elle vit et travaille en France depuis 1999.
“ Les
rochers de Poudre d'or ”, son premier roman,
évoque les souffrance des engagés convoyés
des Indes à l'île Maurice pour pallier la
pénurie de main d'œuvre consécutive
à l'abolition de l'esclavage ; le roman suivant,
“ Blue bay palace ”, met en
scène la communauté hindoue et ses
préjugés de classe dans une île
tropicale en proie au vertige de l'essor du tourisme.
“ La noce
d'Anna ” se déroule en France ;
à l'occasion du mariage de sa fille la narratrice,
écrivain et journaliste, évoque son propre
passé, non sans inquiétude au regard du temps qui
s'écoule quand il y a, peut-être, “ une
autre vie à porté de main ”. De
ce flux de mémoire empreint d'inquiétude,
émerge parcimonieusement le souvenir d'une enfance
mauricienne — dont seul le revers est
relaté : aspiration au départ, douleur
puis remords difficilement avoués de la
séparation.
Cette tension
intérieure se résorbe après une
dernière évocation de l'île
natale : le souvenir d'une maison au toit rouge à
Cap Malheureux “ où les morts
avaient encore leurs traces ” et, dans la
foulée d'un cortège de fantômes, “ la
folie [qui] rôde ”. Mais une
rencontre de hasard laisse entrevoir
l'éventualité d'un heureux dénouement.
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EXTRAIT |
— Raconte un peu comment c'est,
là-bas, maman ?
C'est Anna qui m'interrompt dans mes pensées sombres avec sa
voix claire et posée. Je joue avec ma nourriture, comme le
pire des garnements, j'écrase la quenelle, j'en fais une
purée que je mélange avec de la sauce,
ça en devient une bouillie que j'ai encore moins envie
d'avaler. Je dis que je n'ai pas grand-chose à raconter, que
mes parents sont tous les deux morts, que mon frère vit
quelque part en Californie et que je ne me souviens plus de son visage.
J'allais me taire mais, alors, je me souviens des fleurs. Je dis
à Anna que les fleurs de mon pays sont les plus belles de la
terre. Qu'elles ne sont en rien cultivées,
plantées, elles jaillissent où bon leur semble.
Elle sentent comme l'aube, le soleil, la nuit — y a-t-il un
parfum qui a réussi à emprisonner cela ?
Elles font des reliefs au ciel bleu, elles sont énormes,
comme les hibiscus, fragiles comme les frangipaniers, effrayantes comme
les langues de flamboyants, changeantes comme les goyaviers royaux au
petit matin, enchaînées à jamais comme
les fleurs du safran. J'ajoute que le jardin de Versailles, c'est de la
gnognote à côté et ça fait
éclater de rire Anna et Yves.
☐ pp. 74-75
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « La noce
d'Anna », Paris : Gallimard (Folio, 4907),
2009
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- « Les rochers de Poudre
d'or », Paris : Gallimard, 2002 ;
Gallimard (Folio, 4338), 2006
- « Blue bay
palace », Paris : Gallimard (Continent
noir), 2003
- « Le dernier
frère », Paris : L'Olivier,
2007 ; Paris : Points (Points, P1977), 2008
- « En attendant
demain », Paris : Gallimard, 2015
- « Petit éloge des
fantômes », Paris : Gallimard (Folio), 2016
- « Tropique
de la violence », Paris : Gallimard,
2016 ;
Paris : Gallimard (Folio, 6481), 2018
- « Une année
lumière, chroniques »,
Paris : Gallimard, 2018
- « Le ciel par-dessus le
toit », Paris : Gallimard, 2019
- « Rien ne t'appartient », Paris : Gallimard, 2021
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- Pamela Tamby, « Repli et rejet
identitaire dans Les jours Kaya de Carl de Souza et
Les rochers de Poudre d'or de
Natacha Appanah-Mouriquand » in Identités,
langues et imaginaires dans l'océan Indien
textes réunis et présentés par
Jean-Luc Raharimanana, Lecce : Alliance française
(Interculturel Francophonies, 4), 2003
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Sur
le site « île en
île » : dossier Nathacha Appanah |
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mise-à-jour : 15 février 2022 |
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