Mararía
/ Rafael Arozarena ; trad. de l'espagnol par Marie-Claire
Durand
Guiziou et Jean-Marie Florès ; préface
de
Marie-Claire Durand Guiziou. - Le Mesnil Mauger
(Calvados) :
Le Soupirail, 2014. - 270 p. ; 21 cm.
ISBN
978-10-93569-09-3
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C'était
une nuit de pleine lune et il me sembla que j'étais dans une
pièce obscure où il y avait une petite
fenêtre
ovale par où entrait la lumière du jour, la
lumière de Femés, de l'île
entière,
où il se passait des choses, où vivaient des
gens …
☐
p. 207 |
Sept
grandes îles composent l'archipel des Canaries, coin
d'Espagne au
large des côtes africaines ; Lanzarote, la plus
proche du continent, est une
île isolée,
désemparée … comme un navire
abandonné
(p. 54). Là, en retrait de la mer et
coincé entre
deux montagnes — L'Atalaya et
Tinazor —
Femés semble un
village d'Orient … arrivé sur
l'île avec les grands vents d'Afrique
(p. 30).
Femès
compte peu d'habitants : señor Sebastián
le maire,
Isidro le propriétaire de l'auberge, señor
Alfonso et
Marcial. « Tous les autres ne sont rien au village.
Tous
sauf une femme : Mararía »
(p. 43) ;
autrefois on l'appelait María, « et son
nom allait de
bouche en bouche dans toute l'île parce qu'il n'y avait pas
de
plus belle femme à la ronde »
(p. 55).
Le sort a
rudement frappé María ; on l'appelle
depuis Mararía,
la sorcière ou le Corbeau.
Mais non moins qu'au temps où sa beauté
subjuguait,
Mararía continue de hanter les esprits :
à
Femés et dans l'île, toutes et tous croisent ou
ont
croisé son chemin — et, au hasard de
rencontres,
laissent échapper des parts de l'histoire. Ces morceaux de vie
composent le roman où María et Lanzarote, aussi
volcanique l'une que l'autre, se font écho.
❙ | Rafael
Arozarena est né à Santa Cruz de Teneriffe, aux Canaries,
en 1923 et décédé en 2009. Si la production
poétique de cet écrivain est de loin plus dense que sa
production romanesque, il n'en reste pas moins que son roman Mararía, publié en 1973, est un des grands classiques de la littérature canarienne.
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EXTRAIT |
Don Ermin s'interrompit brusquement en regardant à
l'intérieur de la pièce.
— Qu'est-ce
qu'il y a María ? demanda-t-il à une ombre grande
et
silencieuse qui attendait immobile dans le fond de la pièce.
(…)
Comme
un cyprès noir, un pin calciné ou un corbeau
à la
verticale, la vieille femme demeura là, debout, un bon
moment.
Elle était pieds nus et ses pieds secs couverts de sable,
minces
et forts, semblaient s'accrocher au sol. Ses mains aussi
étaient
nues et ressemblaient à des griffes de milan, des griffes
jaunes, longues et sillonnées de rides. Mais dans la partie
la
plus haute de cet arbre calciné, quelque chose
d'incandescent
surgissait encore ; quelque chose comme une braise
allumée
sortait de ces yeux noirs, arabes, jeunes et beaux. Du feu ?
Je me
posai la question. Quel genre de feu ? Le feu de la
colère,
peut-être ? En regardant ces braises fixes et
resplendissantes, j'imaginai un visage lisse et blanc, des
lèvres charnues avec la sensualité des roses
légères, douces et tièdes comme le
raisin du
volcan. Jadis, oui, jadis, lorsque les alizés parcouraient
les
ondulations de ce jeune corps et faisaient hérisser le
blé tendre de sa peau, en formant les dunes sableuses du
torse.
Oui, jadis, oui. Avant que le vent ne passe comme un ouragan sur
l'argile et transforme le paysage en lande
désemparée et
rugueuse, avant que les yeux ne deviennent des débris de
cendres
effrénés, quand le feu surgissait de la montagne
et
enflammait l'île entière et que les hommes
sortaient de
leurs maisons et traversaient la nuit en prétendant se
laisser
carboniser dans l'extraordinaire ignescence. Alors, oui vraiment, alors
c'était le feu.
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pp. 162-163 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Mararía », Barcelona : Noguer (Nueva galería literaria), 1973
- «
Mararía », Santa Cruz de Tenerife, Las
Palmas de Gran Canaria : Idea (Narrativas), 2008
|
- « Poesía completa » edición Juan
José Delgado,
La Laguna (Santa Cruz de Tenerife) : Ka, 2004
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mise-à-jour : 10
juin 2015 |
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