Encore une fois
la mer [éd. révisée par l'auteur] /
Reinaldo
Areinas ; trad. de l'espagnol (Cuba) par Liliane Hasson. -
Paris : Mille et une nuits, 2004. - 511 p. ;
19 cm.
ISBN
2-84205-673-6
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… ne
pas partir avant d'avoir dit, laissé, gravé dans
l'éternité ou ailleurs, la
vérité sur la
part d'horreur que nous avons subie et que nous subissons.
☐
Deuxième
partie, Sixième chant, p. 456 |
Encore une
fois la mer
est le troisième temps d'un cycle
poético-romanesque
ample et chaotique pour lequel Reinaldo Arenas 1 “ imagina
le nom burlesque, macabre et prémonitoire de Pentagonie ” 2.
La
première partie du roman transcrit le monologue d'une jeune
femme durant les six jours qu'elle passe, avec Hector son mari et leur
enfant, dans un bungalow au cœur d'une pinède en
bord de
mer — chronique d'une semaine de vacance
mêlée de
résurgences du passé et d'affleurements d'un
inconscient tourmenté.
Polyphonique,
la seconde partie amplifie et brasse en six chants les
thèmes, événements, sensations,
pensées
jusqu'aux plus fugaces qui se sont succédés
durant les
six journées
de la première partie, accentue
parfois jusqu'au délire couleurs et tonalités,
débusque et met en lumière les non-dits. C'est un
douloureux et rageur tourbillon où l'auteur s'interroge sur
lui-même et sur l'île — Cuba et
le
terrible contraste qu'impose la dictature : paradis
bordé par la mer, enfer verrouillé par la
mer … “ Où
être ? Comment être ? Comment
atteindre le lieu où je ne serai jamais et où je
dois être pour être ? … ”
(p. 177).
NB | L'illustration de la jaquette (ci-contre)
— “ Otra vez el
mar ” — reproduit un pastel de Jorge Camacho, ami
de Reinaldo Arenas qui a grandement
contribué au sauvetage d'un manuscrit ressuscité
à
deux reprises : les deux premières versions (1966-1970 puis
1970-1972) ont “ disparu ” 3 ;
la troisième (1972-1974), support de la
présente traduction, a fait l'objet d'une
révision approfondie (1980-1982) après que
l'auteur ait
émigré aux Etats-Unis. |
1. |
Né
à Holguìn dans la province d’Oriente,
en 1943, dans
une famille de paysans très pauvres, Reinaldo Arenas,
romancier,
nouvelliste, et poète cubain, s'est suicidé en
décembre 1990 à New York. |
2. |
Liliane Hasson, postface « La
déferlante », p. 501 |
3. |
“ détruits
ou confisqués par la Sûreté de
l'État ”, Liliane Hasson, ibid.,
p. 501 |
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EXTRAIT |
Et
les vastes flots sereins qui s'écoulent ? Et les
parages
solitaires où un pin incendié annonce le vacarme
cadencé de la nuit ? Et la promenade paisible sur
la
côte déserte où la mer
console ? …
Je ne pourrai jamais relater ces états de
quiétude. Je ne
pourrais jamais entrer en relation avec tant de beauté sans
me
trahir. Je ne pourrai jamais énumérer les nuances
du
crépuscule sans trouver dans mes paroles les pulsations d'un
déséquilibre angoissé venu on ne sait
d'où … Et la splendeur de la nuit sur le
sable ? Et les lumières intermittentes qui auraient
pu
être des feux au loin, non des signaux de
surveillance ? … Mais regarde, toi aussi
tu
t'élèveras un peu et tu entendras la plainte de
tous ceux
qui ont été anéantis uniquement pour
avoir
désiré ce que tu désires, uniquement
pour avoir
conçu ce que tu n'oses même plus mentionner. Ils
avaient
désiré, eux aussi, que la mer n'apporte que la
rumeur des
vagues, le vent que le bruissement des feuilles …
Tu
t'élèveras un peu, écoute-moi, et tu
entendras la
plainte perpétuelle de ceux qui périssent
toujours pour
s'être permis de rêver, d'imaginer,
d'inventer ;
d'être libres … Alors ?
Pourrai-je parler du
clair de lune et de la barque qui vogue vers des parages
resplendissants ? Pourrai-je orner de belles, de pieuses
calomnies, ce qui n'est plus qu'un cercle de gémissements
qui
nous désintègrent ?
☐
Deuxième
partie, Deuxième chant, p. 263 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Otra
vez el mar » (1a
ed.),
Barcelona : Argos Vergara, 1982
- « Otra
vez el mar » (edición revisada por el
autor), Barcelona : Tusquets, 2002
- « Encore
une fois la mer » (1ère
trad. française, par Gérard Pina et Flora
Compagne), Paris : Seuil, 1987
|
- « Le
puits » La Pentagonie
(1), Paris :
Seuil, 1973 ; nouv. trad. sous le titre « Celestino
avant
l'aube », Paris : Mille et une nuits, 2003
- « Le
palais des très blanches mouffettes » La Pentagonie
(2), Paris : Seuil, 1975 ;
Paris : Mille et une nuits, 2006
- « La
couleur de l'été » La Pentagonie
(4), Paris : Stock, 1996 ;
Paris : Mille et une nuits, 2007
- « L'assaut »
La Pentagonie
(5), Paris : Stock, 2000
|
- «
Le monde
hallucinant », Paris : Seuil, 1969, 1989 ; Paris : Mille et une nuits,
2002
- « La
plantation », Paris : Seuil, 1983 ; Paris : Mille et une nuits,
2005
- « Arturo,
l'étoile la plus brillante »,
Paris : Seuil,
1985, 1999 ; Paris : Mille et une nuits, 2004
- « Fin
de
défilé », Paris :
Presses de la renaissance, 1988 ;
Paris : Mille et une nuits, 2003
- «
Le portier »,
Paris : Presses de la renaissance, 1988 ;
Marseille : Rivages, 1990
- « La
colline de l'ange », Paris : Presses de la
renaissance,
1989 ; Arles : Actes sud,
Montréal :
Leméac, 2002
- « Méditations
de Saint Nazaire = Meditaciones de
Saint-Nazaire »,
Saint-Nazaire : Maison des écrivains
étrangers et
des traducteurs, 1990
- « Voyage à La Havane »,
Paris : Presses de la renaissance, 1990 ; Arles : Actes sud, 2002
- « Avant la nuit :
autobiographie », Paris :
Julliard, 1991 ; Arles : Actes sud, 2000
- « Adiós
a mamá », Paris : Le Serpent
à plumes, 1993, 1997
- « Lettres à Margarita et Jorge Camacho (1967-1990) », Arles : Actes sud, 2009
|
- Audrey Aubou (dir.), « Reinaldo
Arenas en toutes lettres », Paris : Orizons
(Profils
d'un classique), 2011
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mise-à-jour : 26
juin 2011 |
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