Le
chevalier est mort / Cees Nooteboom ; trad. du
néerlandais
par Christian Marcipont. - Paris : Maren Sell,
Calmann-Lévy, 1996. - 182 p. ;
21 cm. - (Petite
bibliothèque européenne).
ISBN 2-7021-2533-6
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NOTE
DE L'ÉDITEUR :
Un jeune écrivain hollandais arrive sur une île
espagnole
pour achever le manuscrit commencé par Steenkamp, un
compatriote qui s'est suicidé à Barcelone.
L'ébauche elle-même faisait était d'un
jeune
écrivain qui va dans une île pour terminer un
livre …
On assiste à une vertigineuse mise en
abîme dont la mort, par le biais de l'écriture,
est le
véritable maître d'œuvre.
André Steenkamp ne
devait-il pas passer par l'initiation de la mort pour
écrire,
“ au-delà du miroir ”,
ce livre posthume
que la vie ne lui laissait aucune latitude pour mener à son
terme ?
Une fascinante méditation sur
l'écriture que l'auteur décrivit un jour en ces
termes : “ Un livre qui souffre et qui ne
fut rien de
moins qu'une tentative pour tuer le romancier Cees
Nooteboom ”.
Cees
Nooteboom est né le 31 juillet 1933 à La Haye.
Poète nomade et polyglotte, passionné par les
cultures
japonaise et espagnole, il est l’auteur d’une
œuvre
inclassable qui va du roman philosophique à
l’essai
journalistique en passant par des chroniques de voyages et des
poèmes. Il s’est imposé depuis les
années
1980 comme une des plumes néerlandaises les plus importantes
sur
la scène internationale.
☐ César
Birène, Revue Les
Hommes sans épaules [en
ligne]
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LUCIEN
GUISSARD
: […]
Le
livre a été composé en 1962. Le rappel
de date
n'est peut-être pas superflu pour situer cette histoire d'une
œuvre avortée dans le climat qu'on qualifiait
approximativement
d' “ existentialiste ”
pour suggérer le noir, la nausée, l'absurde.
Cees
Nooteboom a souhaité qu'une nouvelle traduction
française
soit faite, la première remontant à 1963, et il a
tenu
à la surveiller lui-même, car, bien sûr,
ce
Néerlandais cosmopolite est polyglotte comme d'autres sont
acrobates. On s'en apercevra en lisant le roman.
Il a, on le
sait, une prédilection pour l'Espagne et c'est sur une
île
des parages espagnols que se déroule […] le
récit.
Le personnage est un écrivain. Supposons qu'il ressemble
à Nooteboom ; il écrit
assurément comme lui,
comme le virtuose de l'originalité. L'écrivain
décide de finir le livre qu'a commencé un autre
écrivain, André Steenkamp, lequel s'est
suicidé
à Barcelone, et il se trouve que celui-ci terminait le livre
d'un troisième écrivain, mort lui aussi. Cela
s'appelle
spéculer sur le vertige un peu factice des
poupées
gigognes et déjà l'impossibilité
d'aboutir
s'inscrit dans l'énoncé du problème.
L'île
est peuplée de païens, les touristes, de chiens aux
allures
égyptiennes, de pêcheurs ; on y respire
l'air de la
Méditerranée qu'affectionne le Nordique.
André
Steenkamp, ou le romancier qui lui sert de porte-voix, rencontre un
vieil Anglais, “ l'initiateur ”,
qui aura pour
fonction sournoise d'initier les autres à sa propre mort, et
un
deuxième écrivain, un peintre et une femme. Ce
petit
monde bohème fait une surabondante consommation de mauvais
cognac espagnol, si abondante qu'on ne se déplace qu'en
taxi.
Passe un convoi funèbre et c'est la danse macabre ;
pendant
que le “ je ” tue le temps avec
la femme, on
assiste, en contrepoint, à une corrida, c'est
inévitable,
et cela finit par une mise à mort ; on n'en sort
pas.
Pour
ce qui est du livre à écrire, du sort du
littérateur Steenkamp, il est assez difficile de comprendre
si
le travail avance, et comment, mais on tire de cette confusion, de ces
velléités, le sentiment que rien n'arrivera
d'autre que
l'échec : la fatalité commande et, pour
faire bonne
mesure, l'écrivain aspire à l'échec.
Il vit dans
une angoisse, trop ressassée, qui se double de semblants
d'hallucinations, pas toutes à mettre sur le compte de
l'alcool.
A
la fin du livre de Nooteboom, puisqu'il y aura en tout cas
celui-là, le dernier mot revient à la
mort ; il n'y
a pas de fin pour l'écrit ; l'écriture
est
interminable.
[…]
☐
La Croix, 10 juin
1996 [en
ligne]
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CEES
NOOTEBOOM
: Jadis, il y a plus de cinquante ans, j'ai
écrit un livre, Le
chevalier est mort. C'est
le cri d'un oiseau de nuit qui m'y fait penser. Le roman a pour cadre
une île de la Méditerranée, pas celle-ci 1,
une île plus proche de l'Afrique 2.
Cet oiseau, je l'entends ici aussi. À l'époque,
j'avais
décrit en ces termes son cri sans cesse
répété : glouc
— silence — puis de nouveau glouc.
Je n'ai pas relu le passage, mais je reconnais ma fascination pour ce
cri parce qu'il se répète avec une
régularité de métronome, les
intervalles sont
toujours d'égale longueur, on peut compter les secondes.
[…] C'est un cri très mystérieux
[…], un
cri indissociable de la nuit, et de la chasse, un appel annonciateur de
mort pour les scarabées, les hannetons et les
araignées.
C'est lui qui appelle, elle qui répond, je suis
témoin
d'une intimité invisible, cachée dans
l'intimité
de la nuit méditerranéenne.
☐ “ 533, le
livre des jours ”, Arles : Actes sud, 2019 — pp.
21-22
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « De
ridder is gestorven », Amsterdam : Querido,
1963
- « Le
chevalier est mort » trad. du néerlandais
par Louis Fessard, Paris : Denoël (Les Lettres nouvelles), 1967
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mise-à-jour : 2 juin 2022 |
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