L'Île lisible /
Dominique Meens. - Paris : P.O.L, 2018. -
301 p. : ill. ; 21 cm.
ISBN 978-2-8180-4351-6
|
|
L'océan
ne peut faire d'une île autre chose qu'un semblant
d'île.
p. 95 |
Après
s'être essayé à traquer le signifiant
dans le vol et le cri des oiseaux — Mes langues
ocelles
(2016) —, Dominique Meens parcourt la
grève
océane de l'île d'Oléron, où
il a de longue
date ses habitudes, à l'affût des traces marques
signes
que laisse la mer en se retirant :
éphémères
assemblages de rides sableuses, de fragments d'algues, de coquilles
brisées …
Ce qu'il
découvre, l'écrit
des laisses ici — ailleurs ce fut l'écrit d'herbes —,
en dit long
au promeneur sur lui-même et peut, à
l'occasion, faire bifurquer son attention vers d'autres lectures,
comme ce passage des Fusées
où Baudelaire affirme que “ le monde va
finir ”. En fin d'ouvrage un index (d'Adorno
à
Zochtchenko en passant par Louise Michel et V. S. Naipaul) et
une
bibliographie (de Sophie A. de Beaune à Gil
J. Wolman en passant par Carlo Ginzburg et Marshall Sahlins) recensent
les traverses les plus fréquentées ou
fréquentables.
Au
fil de cette errance insulaire on remarque enfin la place
concédée aux Stylites,
“ une opération prétendue
spectaculaire … qui
s'avèrera … un
bouillon complet ” et surtout (?) à
l'ébauche
d'une traduction du Prometheus
Unbound
de Shelley — mais il faut alors signaler le fait que
ces
deux appendices figurent à l'issue d'un ensemble
qualifié
de palinodies.
Oléron
— grèves, plages —
n'est jamais oubliée ; les Oléronnais
sont
brièvement évoqués :
Dominique Meens relève qu'on les appelait
“ Cayens ” et précise
en note (page 91) que ce
terme désignait le pauvre oléronnais
opposé à celui qui, sorti de l'île
et installé sur le continent, faisait preuve de
réussite. Il est
aujourd'hui revendiqué par ceux qui réussissent
à ne pas quitter l'île
malgré le libéralisme déracinant,
celui que j'ai entendu ailleurs, en
Soule, conseiller aux jeunes Basques :
“ Sortez de votre trou, il y a
du boulot dans le Nord ! ”
❙ |
Dominique
Meens se définit le plus simplement du monde comme
“ diplômé de nulle
part ” et
“ sans emploi ”. Il est
né en 1951
à Saint-Omer (Pas-de-Calais). On retrouve dans ses travaux
cette
circonspection et cette volonté d'échapper
à toute
forme de nomenclature ou plus exactement ce désir
d'appartenir
à la catégorie la moins précise, la
plus
elliptique qui soit. Comme si seule devait subsister l'œuvre
(…) À travers cette vindicative modestie finement
cultivée, se dessine un érudit curieux et
passionné du monde contemporain, une sorte de contestataire
permanent, un poète qui ne dit pas son nom et professe un
indéfectible intérêt pour
l'ornithologie (…)
— Maison
de la Poésie de Nantes. |
|
EXTRAIT |
Floréal
L'Océan
avait-il écrit avant que je n'arrive ?
Peut-être.
S'est-il remis à écrire dès que je
suis
reparti ? Probable. Je n'avais encore vu plage aussi
brouillonne.
De la couleur plein les yeux. Les dunes profondément vertes.
Et
du jaune, et du rouge. Du visible sans aucun doute. Lisible, c'est une
aure paire de manches. Un ami me questionne : des tas de
signifiants dans la nature ? vraiment ? Pour nous,
n'est-ce
pas, qui les remarquons ? Je lui réponds que non,
non pour
nous spécialement, non, des tas là, dans la
nature, et
inégalement répartis, inégalement dans
l'espace et
dans le temps. Un jour un tas, un jour sans. Par exemple, ces trois
jours à arpenter ma part et rien, rien du tout. Que des
images,
que de la couleur, du vert, du jaune, du rouge. Mais pas de signifiant.
L'océan n'aura rien écrit sur la plage ces trois
jours-là.
☐ pp. 156-157 |
|
COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- “ Mes
langues ocelles ” Du signifiant dans la
nature 1, Paris : P.O.L, 2016
|
quelques ouvrages sur
l'île d'Oléron |
- Jean-Luc Cattacin, « Îles flottantes », Paris : Phébus, 2017
- Patrice Degryse et Brigitte Robin, « Les salines d'Oléron », Oléron : Les Salines d'Oléron, 2005
- Mélanie Guyard, « L'enfant des tempêtes », Paris : Le Seuil, 2020
- Guy
Kunz-Jacques et Thierry
Guilabert, « Oléron
: encres argentées », St
Jean-d'Angély : Jean-Michel Bordessoules, 2005
- Marcelle
Tinayre,
« Les
lampes voilées »,
Paris : Calmann Lévy, 1921
|
|
|
mise-à-jour : 17 novembre 2020 |
|
|
|