Le
baiser de la mangue / Albert Wendt ; trad. de l'anglais
(Samoa)
par Jean-Pierre Durix. - Papeete : Au Vent des îles,
2006. -
809 p. ; 21 cm. - (Littératures
du Pacifique).
ISBN
2-915654-12-3
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Enraciné
à Samoa, Albert Wendt a également
passé des
années en Nouvelle-Zélande, à Fidji et
à
Hawaii. Ce mode d'existence cosmopolite l'a sans doute conduit
à
revendiquer son identité
« pélagique ». En
réaffirmant son
attachement à sa vaste région, la
Polynésie, il
tient compte des exigences modernes du voyage et des migrations qui
débouchent sur l'ouverture mais aussi souvent sur un
sentiment
d'incomplétude, de dislocation, voire d'absurdité.
☐ Jean-Pierre
Durix, Préface,
p. 5 |
En s'attachant à une famille samoane, qu'il suit durant une cinquantaine
d'années depuis
la fin du XIXe
siècle, Albert Wendt décrit et analyse un monde
qui
change — aux voyageurs, colons et missionnaires farouchement
déterminés à exercer leur emprise sur
les terres
qu'ils abordent, répondent les
stratégies d'adaptation, d'évitement ou
d'affrontement,
improvisées puis progressivement mûries, de Mautu,
de son aiga (famille
élargie) et, au-delà, de la population de
l'archipel.
Le
regard d'Albert Wendt sur cette transition tourmentée et
douloureuse n'est pas neutre, mais le récit qu'il propose
vise
prioritairement à éclairer les tensions et leurs
ressorts, les incompréhensions et leurs
conséquences.
Déchirures et affrontements n'affectent pas seulement des
groupes sociaux enfermés dans leurs origines. Des uns aux
autres
les chemins de traverse se multiplient, mais les clivages subsistent au
plus intime de chacun : chez Mautu, samoan et ministre d'un
culte importé, ou chez l'anglais Barker
— un beachcomber —
qui construit une
pirogue samoane et souhaiterait que ses enfants restent de bons petits sauvages.
C'est dans un espace où se brouillent les
frontières
traditionnellement reconnues que se développe une intrigue
qui
pourrait tendre à l'apaisement et se referme,
néammoins,
sur une note inquiète : “ rien
de tout cela
n'était prévu, rien de cet
avenir-là … ”
(p. 799). ❙ | Né en 1939 à Apia (Samoa occidental), Albert Wendt
est le premier titulaire de la chaire de “ Pacific
Studies ” dans le département d'anglais de
l'université d'Auckland en Nouvelle-Zélande. Il a
grandement contribué à l'émergence d'un renouveau
culturel dans le monde océanien, notamment en promouvant les
littératures du Pacifique Sud. |
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EXTRAIT |
Maintenant
qu'il avait minci, sans ses longues mèches de cheveux, avec
ce fougueux tatau,
du
fait qu'il parlait un meilleur samoan, moins agressif, Barker
n'était plus le démon effrayant
— mais il
valait mieux se tenir sur ses gardes malgré tout. Peleiupu
et
Arona avaient beau défendre Barker pied à pied,
avec
fougue, détermination, persuasion et parfois
colère face
aux autres, il leur semblait toujours à la fin que leurs
interlocuteurs ne croyaient pas un mot de ce qu'ils avaient
expliqué. Pas un seul mot.
— Comment convaincre les nôtres
que Barker n'est pas un étranger et un Papalagi
dont on
doit avoir peur ? demanda Peleiupu à Mautu peu
après que Barker se fut fait tatouer.
— Ils le traitent vraiment comme
cela ? demanda Mautu surpris.
— Ils ne l'acceptent pas
— ils ne le considèrent que comme un Papalagi.
— Je ne m'en suis jamais rendu compte,
soupira Mautu.
Il est mon ami et je ne l'ai jamais considéré
comme un Papalagi.
— Même lorsque tu l'as
rencontré pour la première fois ?
— Peut-être que si.
J'étais alors conscient de sa couleur de peau.
— Les gens d'ici n'ont jamais
dépassé ce sentiment, pas même
maintenant qu'il a un tatau.
— Tu penses qu'il l'a fait faire dans ce
but ?
— Je ne sais pas, répondit-elle
en battant en retraite.
Le lendemain matin, elle remarqua que Mautu était
aux petits soins pour Barker.
— Nous avons quelque chose à te
demander, dit Barker en samoan.
Mautu acquiesça.
— Nous voulons que nos enfants
fréquentent ton école.
— Je croyais que tu t'occupais
personnellement de leur éducation, répondit Mautu.
— Non ! Il ne leur a pas appris
grand chose. Ce
sont des petits sauvages. Ils ne savent ni lire ni écrire,
dit
Poto.
— Pas même Tavita ?
demanda Mautu à Barker.
Barker hocha la tête.
— Je voulais que mes enfants ne soient pas
prisonniers
de la « civilisation »
européenne.
— Tu voulais les tenir à l'abri
des connaissances qu'elle véhicule ?
— Oui, de cela
particulièrement. Mais je sais
maintenant que les sauvages, surtout les « bons
sauvages », sont passés de mode. Ce
serait criminel
de ma part que de faire des sauvages de mes enfants dans un monde
christianisé qui se convertit rapidement aux
manières et
aux maladies des Papalagi.
Il s'interrompit.
— Oui, ce serait criminel de les laisser
à la
merci des sauvages éduqués et
civilisés venus
d'Europe.
Il tapota l'épaule de Poto, qui se serra contre
lui.
— Je ne comprends pas, répondit
Mautu.
— Mautu, même dans nos villages
éloignés, nous ne sommes plus
protégés de
la prétendue civilisation. Je veux que mes enfants disposent
des
armes que sont la lecture, l'écriture,
l'arithmétique, la
science, l'arrogance, l'argent et les fusils.
— Je veux que mes enfants soient
éduqués, insista Poto.
— Ne t'inquiète pas,
Poto ! Je suis
certain que Mautu, Pele et Lalaga vont en faire des sauvages bien
élevés et très instruits ! s'exclama
Barker qui
partit d'un grand rire.
☐ pp. 225-226 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « The
mango's kiss », Auckland : Vintage, 2003
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- « Sons
for the return home », Auckland : Longman
Paul, 1973
- « Flying
fox in a freedom tree », Auckland : Longman
Paul, 1974
- « Inside
us the dead, poems 1961-1974 », Auckland :
Longman Paul, 1976 ; « Au fond de nous les
morts » éd. bilingue trad. de l'anglais
(Samoa) par Jean-Pierre Durix, Suilly-la-Tour : Le
Décaèdre, 2004
- « Pouliuli »,
Auckland : Longman Paul, 1977
- « Leaves
of the banyan tree », Auckland : Longman
Paul, 1979 ;
« Les feuilles du
banian » trad. de l'anglais (Samoa) par Jean-Pierre Durix,
Papeete : Au Vent des îles, 2008
- « Shaman
of visions », Auckland : Auckland
university press, 1984
- « The birth and death of the
miracle man, and other stories »,
Harmondsworth, New York : Viking, 1986 ;
Honolulu : University of Hawai'i press, 1999
- « Ola »,
Auckland : Penguin books, 1991.
- « Black
rainbow », Auckland : Penguin books, 1992
- « Photographs »,
Auckland : Auckland university press, 1995
- « The book of the black star »,
Auckland : Auckland university press, 2002
- « The
songmaker's chair », Wellington : Huia
publishers, 2004
- « The adventures of Vela », Wellington : Huia
publishers, 2009
- « Breaking connections », Wellington : Huia
publishers, 2015 ;
« Ces liens que l'on brise » trad. de l'anglais (Samoa) par Jean-Pierre Durix,
Papeete : Au Vent des îles, 2018
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mise-à-jour : 2
juin 2017 |
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