Terre libre : les
pionniers / Jean Grave. - Paris : Librairie des Temps
nouveaux, 1908. - 321 p. : ill. ;
20 cm.
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Jean Grave (1854-1939) est une
figure du mouvement anarchiste au tournant des XIXe
et XXe
siècles ; l'œuvre de ce proche de Mirbeau
et de Fénéon est largement consacrée
au débat théorique, mais la fiction y a sa
place — le conte et le roman tenus pour plus
accessibles, aux jeunes en particulier, et moins étroitement
dogmatiques.
Ecrit pour la jeunesse,
« Terre libre » met en
scène un groupe de déportés
français convoyés vers le bagne (Nouvelle
Calédonie) qu'une fortune de mer jette avec leurs gardiens
sur une île déserte. Les naufragés
— hommes, femmes et enfants — s'organisent pour
survivre ; ainsi se développe une utopie dont le
cadre, insulaire, est conforme aux règles du genre, mais
qui, s'éloignant du modèle fixé par
More, Campanella et Bacon, privilégie la liberté
qu'elle érige en valeur absolue. La vocation de cette
communauté atypique est rehaussée par la
présence sur l'île de gardiens
rescapés, représentants l'ordre et la contrainte,
en qui s'incarne l'alternative à la Terre libre, soit
la menace d'une île-prison.
La trame romanesque que
développe Jean Grave n'est jamais simpliste, ni
caricaturale ; elle souligne ici la
nécessité de respecter la nature qui
« n'est pas vue comme un obstacle qu'il s'agit de
vaincre, de maîtriser » 1, ailleurs la
primauté du libre débat dans la conduite des
affaires humaines. On y trouve enfin, et c'est un apport majeur de la
fable, un ingénieux éloge de la disponibilité
envisagée comme une alternative dynamique au
fatalisme : « les paresseux ne sont
[…] plus […] un mal nécessaire, mais
ils constituent une véritable chance pour le reste de la
communauté : c'est leur disponibilité
qui leur permet de voir ce que les Terrelibériens,
trop occupés à travailler, ignorent. Comment
mieux dire que toute société a besoin de
réfractaires au travail, qu'elle ne doit pas seulement les
tolérer, mais les accueillir comme une véritable
garantie de sa survie ? » 2
Les variations de Jean Grave sur
le thème souvent convenu de l'utopie insulaire introduisent
un questionnement d'une pressante actualité — aujourd'hui encore.
1. |
Caroline
Granier, « L'utopie
anarchiste de Jean Grave : Terre libre », in “ Nous sommes des
briseurs de formules ” : les
écrivains anarchistes en France à la fin du XIXe
siècle (cf. ci-dessous). |
2. |
Caroline
Granier, ibid. |
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ALBERTO
MANGUEL et GIANNI GUADALUPI : La
seule bourgade de l'île a été
bâtie par des prisonniers français
déportés vers la Nouvelle-Calédonie.
Leur bateau sombra dans une tempête et les
naufragés établirent une communauté
anarchiste. Le long de la côte, des canons sont
pointés vers le large afin de protéger
l'île de toute intrusion.
☐ « Dictionnaire des lieux
imaginaires », Arles : Actes sud
(Babel, 471), 2001 (p. 553)
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- Jean Grave, « Terre libre : les
pionniers », Paris : Noir et Rouge, 2015
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- Jean Grave, « Tierra
libre, fantasia comunista » versión
española
por Anselmo Lorenzo, Barcelona : Escuela moderna, 1908
- Jean Grave, « Terra
libera » traduzione libera con parafrasi di Luigi
Sofra, Carrara : Il Seme, 1976
|
- Jean Grave,
« Mémoires d'un anarchiste
(1854-1920) », Paris : Sextant, 2009
- Jean Grave,
« La colonisation » suivi par Le massacre d'Ambiky, 1897 de Paul Vigné d'Octon, Paris : Ed. du Sextant (Les Increvables), 2019
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- Raymond
Trousson, « L'utopie anarchiste de Jean
Grave », in D'utopie et d'utopistes,
Paris : L'Harmattan, 1998
- Louis
Patsouras, « The anarchism of Jean Grave, editor,
journalist and militant », Montréal, New
York : Black rose books, 2002
- Caroline
Granier, « Nous sommes des briseurs de
formules : les écrivains anarchistes en
France à la fin du XIXe
siècle » (thèse de doctorat en
lettres
modernes, Paris-VIII, 2003), Cœuvres-et-Valsery :
Ressouvenances, 2008
- Constance
Bantman, « Jean Grave and the networks of French anarchism,
1854-1939 », Cham (Suisse) : Palgrave Macmillan, 2021
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mise-à-jour : 9 septembre 2021 |
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