L'Archipel des
forçat : l'histoire du bagne de
Nouvelle-Calédonie (1863-1931) / Louis-José
Barbançon ; préface de Michelle Perrot.
- Villeneuve d'Ascq : Presses universitaires du Septentrion,
2003. - 447 p. : ill. ; 24 cm. -
(Histoire et civilisations).
ISBN 2-85939-785-X
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“ Ce
travail n'est qu'un témoignage de plus, une tentative
supplémentaire pour comprendre comment, par quels
mécanismes logiques, rationnels, ou par quelle alchimie
obscure,
les chaînes de la répression, implacablement
forgées, ont fini par fondre sur une terre où les
uns
restent avides de libération et les autres épris
de
réhabilitation. ”
☐ Louis-José
Barbançon, Introduction
générale, p. 22 |
NOTE DE L'ÉDITEUR : De 1863 à 1931, la
Nouvelle-Calédonie est connue sous le nom de
« la Nouvelle ». Vingt-deux mille
transportés des travaux forcés, plus de
4 000 déportés politiques surtout de la
Commune de Paris, près de 4 000
relégués en majorité
récidivistes de délits mineurs, auxquels il faut
ajouter plus de 1 000 femmes, condamnées aux
travaux forcés ou à la relégation mais
aussi à la réclusion ou à la prison y
débarquent, faisant de cette terre kanake du Pacifique Sud, l'archipel
des
forçats.
Dans
cet ouvrage, issu de sa thèse de doctorat
« Entre les Chaînes et la
terre », Louis-José Barbançon
retrace l'histoire de la Transportation des forçats
à « la Nouvelle ». Une
histoire vécue à travers l'exemple du premier
convoi de 250 forçats de l'Iphigénie,
arrivés dès 1864. Comme l'écrit
l'auteur : « dans un pays d'immigration,
l'importance dévolue aux premiers arrivés,
pionniers volontaires ou malgré eux, reste une dominante de
la conscience collective. On a les Mayflower qu'on
peut ».
Ces premiers
transportés sont suivis dans une étude exhaustive
de leurs dossiers individuels, de leurs origines et de leur devenir
personnel sur près de six décennies. Ce ne sont
pas des forçats virtuels qui sont mis en scène
mais bien des hommes de chair et de sang replacés dans le
contexte historique d'une terre de bagne, face à la
répression ou à la réhabilitation.
L'originalité de ce travail tient donc avant tout dans le
fait qu'au-delà des lois, des statistiques, de la
chronologie, l'auteur tente de donner la parole à des femmes
et à des hommes de rien dont il est lui-même
originaire, faisant accéder ces oubliés de
toujours, comme l'écrit en préface Michelle
Perrot : « à la
dignité de l'Histoire ».
→
Stephen
A. Toth, « Louis-José
Barbançon,
L’archipel des forçats: Histoire du bagne de
Nouvelle-Calédonie, 1863-1931 », Crime,
Histoire & Sociétés / Crime,
History & Societies,
Vol. 9, n°2 | 2005 [en
ligne]
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MICHELLE PERROT |
La Nouvelle-Calédonie, c'est « le triomphe
de la barbarie »,
dit Victor Schoelcher. Dans ces conditions, il n'est pas surprenant que
le taux de mortalité soit élevé et
l'espérance de vie, une fois débarqué
dans la
colonie, très faible (22,6 ans pour les
transportés de l'Iphigénie).
Une politique d'élimination prévaut, sans le
dire. Car on
ne sait que faire des libérés, dont l'immense
majorité est obligée à la
résidence, double
peine de fait. Rien n'est prévu pour eux. Au Père
David,
qui s'inquiète de la précarité de leur
sort, le
commandant de Bourail, principale bourgade concernée,
répond :
« … administrativement, ce
sont des forçats à qui ont ne doit que de
nourriture
juste ce qu'il faut pour les empêcher de mourir, et encore la
qualité que l'on donne aux animaux. Si au bout de six mois
de
vivres, ils n'ont pas planté un hectare de cannes, tant pis
pour
eux s'ils n'ont pas de quoi vivre. Un forçat est un
être
séparé de la société et qui
ne devait plus
jamais revoir sa famille » (6 avril 1874). Rien
n'est fait
pour la réinsertion des libérés, sur
lesquels
pèsent toujours l'opprobre et le soupçon, comme
en
témoigne l'affaire de la municipalité de Bourail.
Adrien
Bonnardot, ex-transporté de l'Iphigénie, y
est élu et s'acquitte au mieux de ses fonctions
d'édile.
L'apprenant, le Ministère, scandalisé,
décide de
supprimer cette municipalité sous prétexte
qu'elle se
situe en territoire pénitentiaire (donc incapable de
civisme) ; en fait, en raison des réactions
hostiles
qu'avait suscitées l'élection d'un
libéré, « manifestation
de l'élément pénal contre
l'élément libre »,
selon L'Indépendant
(8 mars 1888). Les colons libres se méfient des
libérés et les tiennent à distance. La
plupart
errent et finissent par échouer à l'hospice
mouroir de
l'île Nou et ne sont pas même enterrés
dans le
cimetière de Nouméa dont ils sont indignes. Sans
famille,
ils disparaissent à jamais.
☐ Préface,
p. 13 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Pages
de la vie de Bourail », Bourail
(Nouvelle-Calédonie) : Association Passé
de Bourail,
1987
- « Le
pays du non-dit : regards sur la Nouvelle
Calédonie », Nouméa :
chez l'auteur, 1992
- « La
terre du lézard »,
Nouméa : Île de
lumière (Libres écrits), 1995
- «
Il y a 25 ans, le gouvernement Tjibaou : 18 juin 1982-18
novembre
1984 », Nouméa : Agence de
développement de la
culture kanak, 2008
- « Le mémorial du bagne
calédonien : entre les chaînes et la
terre » (2
vol.), Papeete : Au Vent des îles, 2020
- « À la recherche du nous » conversations calédoniennes avec Walles Kotra, Papeete : Au Vent des îles, 2022
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- Louis-José
Barbançon, Sylvette Boyer, Bernard Fustec (et al.),
«
Bourail, il était une fois : histoire
singulière,
histoires plurielles », Nouméa :
T. Darras, 2004
- Louis-José
Barbançon et Christophe Sand,
« Caledoun :
histoire des Arabes et Berbères de
Nouvelle-Calédonie », Bourail :
Association des
Arabes et Amis des Arabes de Nouvelle-Calédonie (Archeologia
pasifika, 1), 2013
- Bérengère
Bourgeot et Gilles Caprais (éd.), « Le
bagne en
héritage : destins de familles issues de la
colonisation
pénale » préface de
Louis-José
Barbançon, Nouméa : Association
Témoignage
d'un passé, Les Nouvelles calédoniennes, 2017
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mise-à-jour : 5 décembre 2021 |
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