Comment on
s'évadait de la
Nouvelle-Calédonie / Georges Baudoux ;
préface de Michel Soulard ; ill. de Jar. -
Nouméa : Grain de sable, 2001. - 138 p. : ill. ; 15
cm. - (Esprit des temps).
ISBN
2-84170-085-2
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MICHEL
SOULARD :
Fascinante, cette
nouvelle de Georges Baudoux [1870-1949], fascinante, car elle reprend
deux mythes
fondamentaux : l'évasion et la robinsonnade.
L'industrie humaine permet d'abord aux condamnés du bagne de
franchir les obstacles de l'enfermement et de reconquérir,
sur l'océan, la liberté perdue ; elle
leur permet ensuite de lutter, sur cette nouvelle prison qu'est
l'île déserte, et de réinventer une
autre vie. L'auteur, qui a signé de son pseudonyme Thiosse,
connaît les lieux et les hommes. Marin, prospecteur puis
propriétaire de mines, éleveur de
bétail, il a parcouru le Nord calédonien
terrestre et maritime, il a rencontré ces hommes
marqués par leur passé
— lointain et proche — et
épris de liberté.
[…]
Georges
Baudoux tenait particulièrement à cette
œuvre. Les dates d'écriture et de publication d'un
texte sans cesse remanié — 1913, 1915,
1924, 1954, (1974) — l'attestent.
[...]
L'intérêt
de la publication présente, due au travail des
élèves de quatrième D du Collège
Rivière Salée
(Nouméa), tient principalement à
l'épilogue de 1924, version originelle fort
différente des versions suivantes : le lecteur
pénètre dans le quotidien du bagne et constate
que les relations entre les hommes, qu'ils soient libres ou non, sont
entachées de corruption. Ainsi la mise en cause des
« gens honnêtes »
tend-elle — particulièrement dans le
paragraphe final — à relativiser la
leçon de morale, dans une perspective de
fatalité. La fascination propre à cette nouvelle,
entre forces et attraits contradictoires, tient en
définitive à ce jeu du même et de
l'autre dans les relations entre le lecteur et les personnages.
☐ Préface,
pp. 4-5
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EXTRAIT |
Nous
ne faisions pas grand chose, juste ce qu'il fallait pour vivre,
à ce régime nous étions devenus
gras : nous nous portions bien, à part quelques
démangeaisons. Nous avions le temps de
réfléchir, ce n'était pas bien
amusant. Vous nous voyez ? Nous étions
là, à nous damer le croupion sur un
îlot plat, un banc de sable qui avait à peine deux
mètres au dessus du niveau de l'océan. Tout
autour de nous c'était le plateau de corail et ses brisants
qui roulaient jour et nuit ; plus loins, la mer trop bleue, et
l'horizon qui se rejoignait avec le ciel. Les nuages qui s'en allaient
à la débandade, tantôt d'un
côté, tantôt de l'autre.
Nous
avions cherché la liberté, et après
bien des souffrances nous n'avions trouvé que la
prison ; le bagne sans sa nourriture, et sans ses gardiens
contre lesquels on lutte sourdement, pour avoir une raison de vivre.
Nous nous étions retranchés nous-mêmes
de cette société, qui déjà
s'était débarassée de nous en nous
condamnant ; nous ne pouvions même plus par
dépit, par fanfaronnade, lui cracher notre cynisme, et
l'éclabousser de nos insultes. Des fois nous devenions
louftingues, chacun restait de son côté, nous ne
nous parlions plus pour ne pas nous battre comme des chiens. Nous
perdions sur cet îlot, des années qui auraient pu
être belles ailleurs, des années qui ne
reviendraient jamais.
☐
pp. 70-71
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Comment
on s'évadait de la
Nouvelle-Calédonie » [signé
Thiosse], Le Bulletin
du commerce (Nouméa), 15
avril - 24 mai 1924
- « Comment
on s'évadait du bagne » récit
sensationnel d'un ancien détenu recueilli par Georges
Baudoux, Le
Hérisson, 15 avril - 6 mai 1954
- « L'évadé
d'la Nouvelle », in Il fut un
temps … Souvenirs du bagne, Nouméa :
Sté d'études historiques de la
Nouvelle-Calédonie (Publications, 6), 1974, 1984
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mise-à-jour : 20
avril 2017 |
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