La
colonisation française des Seychelles (1742-1811) /
Gérard Buttoud. - Paris : L'Harmattan, 2017. -
259 p. ; 22 cm.
ISBN 978-2-343-11893-2
|
|
Le
Ministre de la Marine doit avoir les yeux ouverts sur les Isles
Seychelles. Ces isles seroient d'une grande ressource pour l'Isle de
France surtout en temps de guerre.
☐ Bougainville
(1775), cité p. 210 |
|
…
les isles Seychelles ne sont pas assez importantes pour que l'on s'en
occupe essentiellement, et il vaudroit mieux qu'elles n'existassent
pas, puisqu'elles peuvent servir ainsi que l'isle Rodrigues de
rendez-vous à un ennemi.
☐ Malavois (1787),
cité p. 211 |
Au milieu du XVIIIe
siècles, quand commence l'histoire que relate
Gérard
Buttoud, l'archipel perdu dans l'océan Indien se compose
d'îles désertes où les marins arabes
faisaient
occasionnellement relâche et que de rares marins occidentaux
avaient aperçu ; c'était al-Dabaran ou al-Khadra pour les
uns et, pour les autres, As
Sete Irmas ou Os
Irmaos.
En
1742, deux navires français quittent l'île de
France
(Maurice) pour explorer les îles au nord de Madagascar sur la
route des Indes ; des terres sont approchées et
leur
position très grossièrement établies,
mais
l'expédition est jugée décevante. En
1744
l'archipel est formellement reconnu ; on commence à
s'intéresser à sa situation
stratégique alors que
reprennent les hostilités avec l'Angleterre. Mais ce n'est
que
dix ans plus tard que l'on se préoccupera du devenir des
îles — autant dire de leur colonisation.
Pendant
plusieurs décennies un effort lent et difficile, rarement
cohérent, va transformer les îles
désertes
— paradis pour les oiseaux marins et les
tortues — en support de développement
pour un embryon
de société rudimentaire, cupide,
exposée à
de nombreux risques. Y seront expérimentés tous
les
travers des pratiques coloniales : commerce
déséquilibré, exploitation
irraisonnée des
ressources naturelles, esclavage et même socialisme utopique dévoyé.
❙ |
Agronome
et forestier, mais aussi politologue et historien, Gérard
Buttoud est professeur-visiteur à l'Université de
la
Tuscia en Italie. Depuis 2014, il appuie le gouvernement des Seychelles
à promouvoir une politique d'utilisation des terres
associant
l'arbre et les cultures. |
|
EXTRAIT |
[L'armateur
Brayer du Barré dévoile] le vaste plan qu'il
ambitionne
pour le développement des îles Mahé. Il
s'agit
d'organiser sur l'ensemble de l'archipel une colonie
constituée
à partir des enfants trouvés des deux sexes, si
possible
de la campagne ou du moins habitués aux travaux des champs.
On
en réglementerait le mariage, celui des garçons
à
partir de 21 ans et celui des filles entre 16 et 19. On donnerait six
arpents de terrain à chaque garçon, et six autres
à chaque fille au moment du mariage. En plus des terres, ils
recevraient tous les outils nécessaires ainsi qu'une ration
d'un
an de pain et de légumes.
S'il
s'agit de créer une nouvelle colonie, autant voir les choses
en
grand, avec une stratégie sinon une théorie. Aux
Antilles, le gouvernement a bien en son temps organisé
à
grande échelle le déplacement d'orphelines et de
prostituées, pour servir d'épouses aux premiers
colons.
Cette sorte de société idéale devrait
pouvoir
fonctionner sans recours important à l'esclavage (car si
Brayer
fait dans la traite, il n'est semble-t-il pas favorable à
l'exploitation des noirs), et assurer à l'archipel sa
population
future de colons conscients et dévoués
à son
développement. A l'époque, les projets de ce type
foisonnent. Certains d'entre eux, à l'instar de l'utopie
architecturale de Ledoux aux salines de Chaux, ou de celle sociale de
[Ferdinand] IV de Bourbon au village soyeux de San Leucio di
Caserta près de Naples, ont même connu un
début
d'application. Brayer, qui a des visions d'envergure et qui ne doute de
rien, a donc le sien pour Séchelles. Peine perdue. Sur ce
concept englobant pas plus que sur ses autres demandes, notre armateur
ne reçoit de réponse des autorités,
qui le
prennent pour une sorte de fou. Le socialisme utopique à la
Brayer ne passera pas.
☐ Ch. 5, L'affaire Brayer du
Barré, pp. 86-87 |
|
COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Il
s'appelait Poivre : un chasseur d'épices dans la
mer des
Indes, 1750-1772 », Paris : L'Harmattan,
2016
- « L'échec
des premières colonies françaises à
Madagascar, 1633-1831 »,
Paris : L'Harmattan, 2017
- « Mahé
de La Bourdonnais, 1699-1753 : biographie politique d'un
héros des Indes »,
Paris : L'Harmattan, 2018
- « Les
îles françaises de la mer des Indes, de 1640
à 1810 »,
Paris : L'Harmattan, 2018
|
|
|
mise-à-jour : 5
février 2019 |
|
|
|