Anna Maria Ortese

L'iguane, trad. de l'italien par Jean-Noël Schifano

Gallimard - L'Imaginaire, 723

Paris, 2020

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parutions 2020
L'iguane / Anna Maria Ortese ; trad. de l'italien par Jean-Noël Schifano. - Paris : Gallimard, 2020. - 216 p. ; 19 cm. - (L'Imaginaire, 723).
ISBN 978-2-07-287902-9
JEAN-NOËL SCHIFANO : À tous les lecteurs qui désirent quelque chose d'inouï ; à tous les lecteurs passionnés, ennuyés, rassasiés, enthousiastes, passagers, frivoles, fidèles, s'adresse ce roman inclassable.

“ … Il faudrait quelque chose d'inédit, d'extraordinaire. Toi qui voyages tant, Daddo, pourquoi ne me procurerais-tu pas quelque chose de bien primitif, et même de l'anormal ? Tout a déjà été découvert, mais on ne sait jamais …
— Il faudrait les confessions de quelque fou, si possible amoureux d'une iguane, répondit Daddo sur un ton badin ; et qui sait comment cela lui était venu à l'esprit … ”

De cette conversation printanière et milanaise entre deux amis, l'un éditeur, l'autre, le héros, le jeune, riche et noble Aleardo, dit Daddo, architecte et “ acheteur d'îles ”, le destin se saisira pour la plus tendre, mystérieuse et cruelle des aventures.

Quand Daddo aborde avec son yacht dans l'île inconnue d'Ocaña, au large du Portugal, il ne sait pas quelle rencontre fatale l'attend au milieu de personnages qui semblent issus d'un autre siècle. Pris entre les pouvoirs de l'argent et les séductions de la nature, il va vivre, le temps d'une agonie, le plus fou des amours.

[…]

4ème de couverture
   
1. Ecrivain, traducteur et directeur de la collection Continents Noirs (Gallimard), Jean-Noël Schifano a traduit, outre Anna Maria Ortese (1914-1998), Giuseppe Antonio Borgese, Elena Ferrante, Elsa Morante, Alberto Moravia, Alberto Savinio, Italo Svevo.
JOSYANE SAVIGNEAU : […]

On hésite à qualifier de “ roman ” la fatale histoire de Daddo, architecte milanais, et de la “ servante-iguane ”, qui se déroule dans une drôle d’ile, — imaginaire — Ocaña, au large du Portugal. “ Certes, on peut lire L’Iguane comme un conte, convient Anna Maria Ortese, comme une plaisanterie, ou un apologue. J’ai voulu jouer sur l’équivoque de l’argent. Estrellita est une " iguane " parce qu’elle n’a pas d’argent. Quiconque est sans culture est, dans la société, un animal. Or la culture est donnée à ceux qui ont été sélectionnés par l’argent. Ceux qui en sont dépourvus sont donc considérés comme des animaux. J’avais d’abord écrit le livre, avec un autre personnage d’ " iguane " beaucoup plus ironique, plus temporel. Puis il a été recouvert par l’iguane qu’on lit aujourd’hui, figure de l’éternelle douleur. J’aime les choses intactes, et qui portent le sens de la douleur. Enfin, je me suis posée la question : qui doit mourir ? Daddo ou l’iguane ? J’ai conclu qu’il fallait faire disparaître le personnage le plus innocent, celui qui avait cru à la bonté. ”

[…]

Il est sans doute difficile, pour Anna Maria Ortese, d’être lue et aimée, à un moment où, à la littérature, à la découverte d’un monde unique, d’un discours singulier, on préfère des histoires distrayantes ou, dans de prétendus “ essais ”, le “ prêt-à-porter de la pensée ”. “ De toute façon, il est trop tard ”, dit-elle, elle qui a dû attendre d’avoir dépassé les soixante-dix ans pour être traduite en France, le pays qu’elle aime comme un rêve littéraire. Mais, tout de même … Il suffirait, ici, d’un peu d’attention et de reconnaissance (on en connaît les voies) pour que l’ “ iguane ”, humiliée, blessée, vieillie, devienne — même si ce n’est qu’une joie éphémère — la femme triomphante qu’elle aurait dû être souvent, célébrée pour la pureté et l’éclat de sa langue, le mystère de sa parole et l’évidence de ses secrets.

Anna Maria Ortese, la femme iguane — Le Monde, 16 septembre 1988 [en ligne]
EXTRAIT La séance reprit, mais plutôt de façon désordonnée, et toujours sur le fond sonore grave et lent des cloches. Il paraît que la faute principale de l'accusé était l'inconscience, une espèce d'enfantillage ou stupeur mélancolique qui l'avait rendu étranger à l'épouvantable réalité du monde, et lui avait montré des fables et des monstres où il n'y avait que des marchés et des créatures non inscrites sur le registre de la puissance économique. Il vit qu'à cette accusation, portée par la personne qui était la moins autorisée à prendre la parole, c'est-à-dire Fidenzio-Aureliano, beaucoup pleuraient, car ils étaient tous coupables de cela, sans avoir cependant aucune charité du cœur. Alors se leva un moine, que le comte n'avait jamais vu auparavant. Il dit que la faute du comte (“ c'est un comte lui aussi, ce pauvre homme ! ” se dit Daddo avec pitié), si de faute on pouvait parler, était au fond son idéalisme, dénué d'un vrai sens du réel, c'est-à-dire de la comptabilité. “ Il n'a pas vu, dit-il, que la grâce qui le charmait dans les créatures de l'île avait coûté à ces créatures le paradis authentique, le seul que nous connaissons, et il est sur terre, et on le donne contre versement d'argent. ”

 p. 186
COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE
  • « L'iguana », Firenze : Vallechi, 1965
  • « L'iguane » trad. de l'italien par Jean-Noël Schifano, Paris : Gallimard (Du Monde entier), 1988

mise-à-jour : 21 octobre 2020
Anna Maria Ortese : L'iguane
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