Le
saut oblique de la truite / Jérôme Magnier-Moreno.
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Paris : Phébus, 2017. - 91 p. ;
21 cm.
ISBN
978-2-7529-1096-7
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NOTE
DE L'ÉDITEUR : Le
peintre Jérôme Magnier-Moreno a mis dix ans pour
écrire une histoire qui ne parle de rien
— ou
presque ; un jeune homme parti pêcher le long du
GR20 … Un premier roman initiatique procurant une
impression unique de liberté.
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Cette
courte promenade en Corse est, en première approche,
marquée par une succession de rencontres manquées.
Avec
Olivier l'ami qu'un destin contraire empêche d'être
au
rendez-vous fixé dans une gare qui semble perdue au milieu
de
nulle part.
Avec une belle Corse aux
longs cheveux noirs et aux seins obuesques.
Avec les truites enfin, dont
le narrateur ne parvient à
surprendre le saut
oblique 1
qu'au cœur d'un rêve où se brouillent
les repères : poisson ou poisson-femme ?
Mais dans ce monde qui se
dérobe, une porte soudain s'est
ouverte — comme dans un tableau de Magritte.
1. |
L'image
est extraite d'une nouvelle d'Hemingway, La grande rivière
au
cœur double, traduite par Marcel Duhamel et Henri Robillot
dans
“ Paradis
perdu suivi de La
cinquième colonne ”,
Gallimard (1949). |
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EXTRAIT |
Partir
de Corte et s'engager dans la vallée du Tavignano est une
expérience étonnante en soi, et encore plus pour
un
Parisien banlieusard. En effet ici, pas le moindre embryon de banlieue,
pas même de centre commercial ou de zone industrielle, pas un
seul entrepôt ! C'est un peu comme si, marchant dans
le
centre historique de la ville, on arrivait devant une porte et qu'en
l'ouvrant on se retrouvait soudain en pleine nature grandiose,
à
la manière de ces tableaux oniriques de Magritte.
Ainsi,
une fois franchis les remparts médiévaux, un
sentier
sablonneux, étroit et faiblement incliné, me fait
pénétrer en douceur dans une vallée de
rêve
[…]. De paisibles ânes […] saluent mon
passage en
baissant respectueusement l'encolure avec une
préséance
toute japonaise, préambule à ce qui
m'apparaît
d'ailleurs immédiatement comme un paradoxal jardin japonais
à l'état sauvage. La vallée, peu
encaissée
à cet endroit, est en effet couverte de buissons de myrte,
de
romarin, de ciste et de bruyère, moutonnant comme s'ils
étaient régulièrement
taillés par une
escouade de jardiniers nippons. Ces arbustes arrondis aux
dégradés de couleur infinis
— du vert tendre
à un vert presque noir — cascadent
harmonieusement
vers le fond de la vallée. Là, coulant entre des
rochers
de granit beige adouci et sculpté par le temps, le Tavignano
m'apparaît, féerique, étincelant, telle
une
rivière de diamants serpentant dans son écrin de
velours
végétal.
☐ pp. 65-66 |
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mise-à-jour : 26
juillet 2017 |
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Pour
passer le temps, je fais une aquarelle de la perspective sur la voie
ferrée. À l'horizon, on aperçoit une
grande
montagne bleue et arrondie (…). Le quai est encore assez
lumineux, mais désespérément vide.
— p. 40
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