Les auteurs de cette “ histoire ” souhaitaient
répondre à deux questions : “ Y a-t-il une littérature
haïtienne ? Si oui, qu'est-ce qui la
caractérise et qu'est-ce qui la distingue de la
littérature
française ? ” (Introduction,
tome I, p. 7) ; il ne leur faut pas moins de
trois tomes (2 280 pages) pour étayer, organiser et
illustrer (l'histoire se double d'une anthologie
bienvenue) la réponse qu'ils proposent : cette
littérature existe, elle s'est forgée et a
significativement évolué
depuis l'Indépendance en 1804.
Le premier tome, la
première étape de l'évolution qui est
présentée, couvre en totalité le XIXe
siècle, soit trois
générations : “ 1) la littérature des
pionniers (1804-1836) ; 2) le Cénacle ou
la naissance du romantisme haïtien (1836-1870) ;
3) l'épanouissement du romantisme haïtien
(1870-1898) ” (Introduction,
tome I, p. 13).
Le second tome est
consacré au grand mouvement littéraire qui marque
le passage du XIXe
au XXe
siècles ; il “ doit son origine
à la revue La Jeune Haïti. Il
s'est concrétisé dans et par La Ronde
(1892-1902), s'est poursuivi jusqu'à l'Occupation [par les
États-Unis d'Amérique de 1915 à 1934]
par Haïti littéraire et sociale
(1905-1912) […] et par Haïti
littéraire et scientifique, qui ne
vécut que deux ans ” (Introduction
au tome II, pp. 8-9).
Le troisième tome
rend compte de la dynamique créée, au milieu des
années vingt, par le mouvement
indigéniste qui prend un premier essor entre 1925
et 1927 sous l'impulsion de la Revue indigène, puis
avec la parution en 1928 du livre de Jean Price Mars Ainsi parla l'oncle : “ Ainsi
parla l'oncle, en invitant les intellectuels
haïtiens à prendre conscience des valeurs de
civilisation du monde noir qui font partie de leur patrimoine culturel,
ajoutait à l'indigénisme une dimension proprement
africaine : écrivains, musiciens, peintres,
architectes, artisans, gens du monde comprirent la leçon et
ce fut un renouveau de tout notre mode de penser, de sentir et de
vivre ” (Introduction au tome III,
p. 11).
A chaque moment de ce
parcours, les différents genres littéraires sont
évoqués, mêlant poètes,
conteurs, essayistes, historiens, romanciers, dramaturges ; et
l'on notera la place faite, dans le premier tome, aux petits ou grands
maîtres de l'art oratoire.
Cette somme
littéraire fournit en outre, à qui n'est pas trop
familier d'Haïti, l'occasion de découvrir les
tensions qui ont animé l'île caraïbe, son
histoire “ souvent tragique ”,
comme le souligne le Frère Raphaël Berrou dans la
dédicace qu'il adresse à un proche, où
ont leur place “ les rires et les pleurs ainsi que
les espoirs d'un peuple sympathique qui chante et danse dans sa
misère … ”
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LE
MONDE, 4 mars 2000 : Pradel
Pompilus, linguiste et grammairien haïtien, auteur de
plusieurs ouvrages pédagogiques, est mort dimanche 27
février [2000] à Port-au-Prince à
l'âge de quatre-vingt-six ans. Fils d'une modeste paysanne,
il se présentait avec ironie comme un “ rescapé ” des
méthodes de l'enseignement de son pays. Il avait
été choisi par le directeur de l'Institut
français d'Haïti, l'écrivain Pierre
Mabille, pour être en 1945 l'un des premiers boursiers
haïtiens à Paris. Coauteur d'un Manuel de
l'histoire de la littérature haïtienne,
Pradel Pompilus avait, tout en soutenant fermement la francophonie,
prôné l'introduction de la langue
créole dans l'enseignement de son pays.
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- Pradel
Pompilus, « La
langue française en Haïti »,
Paris : Institut des hautes études de
l'Amérique latine (Travaux
et mémoire, VII),
1961 ; Port-au-Prince : Fardin, 1981
|
- Ghislain
Gouraige, « Histoire
de la littérature haïtienne, de
l'indépendance à nos jours »,
Port-au-Prince : Imprim. Théodore, 1960 ;
Éd. de l'Action sociale, 1982 ;
Genève : Slatkine reprints, 2003
- Léon-François
Hoffmann, « Littérature
d'Haïti », Vanves :
Edicef, Aupelf, 1995
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Darline Alexis, « Entre deux langues et deux
approches
didactiques : l'enseignement de la littérature en
Haïti », Revue internationale
d’éducation de Sèvres [En ligne], 61
| décembre 2012 (mis en ligne le 06 février 2015,
consulté le 09 juin 2017)
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