Eduard Mörike

« Le peintre Nolten », trad. par Louise Servicen, in : Erika Tunner et Jean-Claude Schneider (éd.), Romantiques allemands (vol. II)

Gallimard - Bibliothèque de la Pléiade

Paris, 1973
bibliothèque insulaire
   
utopies insulaires
Romantiques allemands [vol. II] / textes de Bonaventura, Clemens Brentano, Bettina von Arnim, Achim von Arnim, Jacob et Wilhelm Grimm, Joseph von Eichendorff, Adelbert von Chamisso, Justinus Kerner, Eduard Mörike, Georg Büchner ; introduction, bibliographie et chronologie des auteurs par Erika Tunner ; notices et notes par Jean-Claude Schneider. - Paris : Gallimard, 1973. - 1744 p. ; 18 cm. - (Bibliothèque de la Pléiade).
“ Le peintre Nolten ” est un court roman en deux parties qu'Eduard Mörike (1804-1875) n'a pas achevé. Un romantisme imprégné de fatalisme voire de nihilisme s'y exprime. Au cœur de la première partie est inséré un intermède fantasmagorique, “ Le dernier roi d'Orplid ” où le poète présente et développe une rêverie de jeunesse partagée avec certains de ses amis du séminaire protestant de Tübingen et, par ailleurs, largement inspirée de thèmes en vogue dans les mouvements poétiques de l'époque (cf. ci-dessous).

JEAN-JO SCEMLA : Après la France et l'Angleterre, l'Allemagne découvre à son tour le mythe tahitien.

[…]

En 1781, Pfeil situe Felsenburg dans les mers du Sud, comme Stolberg qui, en 1788, y fait régner les principes de Platon et de Rousseau. Jean-Paul Richter se sert aussi de Tahiti pour imaginer sa « Selige Insel » (1794), « séjour de l'amour et de l'éternel printemps » 1. Jean-Paul inspire un groupe de littérateurs qui, autour de Mörike, a pris l'habitude de se réunir la nuit pour évoquer l'île baptisée Orplid en qui tous les commentateurs reconnaissent Tahiti. « On la peuplait d'hommes et de dieux, on y organisait sa vie. »  De ces entretiens naissent plusieurs œuvres. Bauer écrit que « Orplid est également un symbole, une île d'utopie et de fantaisie » 2.

« Le voyage en Polynésie », Paris : Robert Laffont (Bouquins), 1994 — p. 1120
       
1. « Titan », Berlin, 1800-1803 ; trad. française : Lausanne : L'Âge d'homme, 1990
2. P. O'Reilly et E. Reitman, « Bibliographie de Tahiti et de la Polynésie française », Paris : Sté des Océanistes, 1967 (n. 9335, p. 822)
EXTRAIT

A l'époque où je faisais encore mes études, j'avais un ami dont la mentalité et les aspirations artistiques s'accordaient aux miennes. A nos heures libres, nous vagabondions ensemble. Nous nous créâmes bientôt une sphère personnelle de poésie, aujourd'hui encore je n'y peux penser sans émotion. (…) Pour notre jeu poétique nous avions inventé un terrain hors du monde connu, une île isolée où aurait vécu un vaillant peuple de héros, divisé en diverses tribus et frontières, aux caractères nuancés, mais pratiquant à peu près la même religion. L'île s'appelait Orplid, et se situait dans l'océan Pacifique, quelque part entre la Nouvelle-Zélande et l'Amérique du Sud. (…) Elle avait pour patronne attitrée la déesse Weyla qui donnait également son nom au fleuve principal de l'île. Par fragments, et suivant les périodes les plus importantes, nous nous racontions la chronique de ces peuples. Les guerres et les aventures extraordinaires ne manquaient pas. Notre mythologie frôlait par endroits la grecque, mais conservait dans l'ensemble ses traits spécifiques. Le monde subordonné d'elfes, de fées et de kobolds n'était pas exclu.

Orplid, jadis prunelle des yeux des Immortels, dut finalement succomber à leur courroux, quand peu à peu l'ancienne ingénuité céda le pas à un funeste raffinement de la pensée et des mœurs. Un effroyable destin balaya l'humanité qui y vivait, les habitations mêmes furent détruites ; seul l'enfant chéri de Weyla, c'est-à-dire la ville d'Orplid avec son château fort, put, bien que mort et désert, subsister comme un triste et beau souvenir d'une grandeur passée. Les dieux se détournèrent à jamais de ce théâtre.

(…)

En des temps plus récents, en tout cas à un intervalle d'environ mille ans, un groupe d'Européens, appartenant pour la plupart au bas peuple, découvrit à son tour l'île et s'y établit. Nous, les amis, nous furetâmes avec eux dans ces vestiges splendides de l'Antiquité. (…) La nature fournissait en abondance des vivres de toute espèce, la nouvelle colonie s'organisa chaque jour davantage, et déjà une nouvelle génération fleurit.

(…)

pp. 1218-1219

COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE
  • « Maler Nolten » Novelle in zwei Theilen, Stuttgart : T. Schweizerbart, 1832
  • « Maler Nolten » Nachwort von Wolfgang Vogelmann, Frankfurt am Main : Insel Verlag, 1979
  • « Maler Nolten » Hrsg. von Heide Eilert, Stuttgart : Reclam, 2002
  • « Nolten the painter » a novella in two parts translated and with an introduction by Raleigh Whitinger, Rochester (New York) : Camden house, 2005
  • « Chant de Weyla, et autres poèmes » éd. bilingue (choix, traduction de l'allemand et présentation par Jean-Yves Masson), Paris : La Différence (Orphée), 2012

mise-à-jour : 17 mars 2020
Eduard Mörike : Maler Nolten
Eduard Mörike, Maler Nolten
Frankfurt am Main : Insel Verlag, 1979
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