Boroboudour,
Voyage à Bali, Java et autres îles / Roger Vailland ;
préface de Marie-Noël Rio. - Paris : Ed. du Sonneur,
2008. - 225 p. ; 19 cm. ISBN 978-2-916136-14-1
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En 1950, Roger Vailland (1)
se rend en Indonésie pour écrire un reportage. Depuis
l'avion qui approche de Java il se réjouit en découvrant
les îles : “ ce sont les îles des mers du
Sud des romans de notre enfance ” (2).L'Indonésie
a déclaré son indépendance en 1945 (les Pays-Bas
ont attendu 1949 pour reconnaître la nouvelle république) ; Roger Vailland,
farouchement engagé à gauche, dénonce une
colonisation dont les séquelles sont omniprésentes, tout
en éclairant les manœuvres des puissances qui tentent
d'occuper la place vacante dans le commerce et dans le jeu
géopolitique : la Chine, l'URSS, la Grande-Bretagne et
surtout les Etats-Unis.Ce
regard lucide et militant n'est jamais pesant. Il est fraternel
— quand, par exemple, Roger Vailland prend parti pour une
famille de commerçants chinois maltraités par les
douaniers de la nouvelle administration ; il fait sourire
— quand, après avoir constaté la
qualité de la musique et de la danse traditionnelles à
Java ou Bali, il déplore la vogue déferlante du
boogie-woogie ! Il pose toujours de bonnes questions
— ainsi sur la composante religieuse des conflits
post-coloniaux — et , dans les réponses qu'il
propose, fait souvent preuve de clairvoyance.En
visitant le temple de Boroboudour, au début de son
enquête, Roger Vailland subit un violent orage :
“ je m'étais laissé émouvoir jusqu'au
frisson par l'opéra wagnérien auquel le hasard me faisait
participer ” ; il fait alors le rêve
insensé d'un monde apaisé — une Arcadie
bucolique, égalitaire et sensuelle : “ de
grandes
fêtes, frivoles et délicates, sur les terrasses de
Boroboudour, des bergeries où les vraies bergères
seraient toutes des reines “. À rebours des
prédictions d'Huxley, Roger Vailland veut croire à un
avenir autre que “ celui de la ruche ou de la
fourmilière ”.
1. |
Roger Vailland (1907-1965) est avec René Daumal et Roger Gilbert-Lecomte l'un des initiateurs du Grand Jeu,
mouvement libre de poètes et artistes en révolte contre
la société — de la bourgeoise aux avant-gardes
(surréalisme). |
2. | Après s'être embarqué à Boelelang (Bali) sur le Kaloekoe
en route pour Djakarta, Roger Vailland regarde la ville qui
s'éloigne et note : “ c'est tout à fait
comme cela que j'imaginais les rades foraines des romans de Conrad
”. |
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EXTRAITS |
Un
jour viendra où les habitants de la vallée au Riz se
seront si bien libérés de toutes les formes de
servitude qu'ils n'auront plus besoin d'ânonner les noms des rois
de Mataram. J'imagine
de grandes fêtes, frivoles et délicates, sur les terrasses
de Boroboudour, des bergeries où les vraies bergères
seraient toutes des reines.
☐ p. 70 |
Quand
je rêvais de bergères devenues reines en train de jouer
sur les terrasses de Boroboudour, c'étaient bien des reines que
je voyais, chacune aussi singulière que seule la reine pouvait l'être, autant de variétés, d'espèces, de familles, de genres de
reines qu'il y a de créatures humaines, des reines aussi
différentes des reines du passé que la licorne de tous
les animaux sauvages ou domestiques, connus ou inconnus,
créés ou imaginés.
☐ p. 76 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Boroboudour, voyage à Bali, Java et autres îles », Paris : Corrêa, 1951
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- Roger Vailland, « La Réunion », Paris, Pondichéry : Kailash (Les Exotiques), 1998
- Roger Vailland, « Ecrits intimes », Paris : Gallimard, 1968, 1982
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mise-à-jour : 3 janvier 2022 |
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