Le Papalagui : les propos de
Touiavii, chef de la tribu de Tiavéa, dans les Mers du Sud /
[recueillis par] Erich Scheurmann ;
trad. de l'allemand et postfacé par Dominique
Roudière. - Bénaix (Ariège) :
Présence image éditions, 2001. -
173 p. : ill., carte ; 21 cm.
ISBN 2-914452-00-4
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Le Papalagui désigne le Blanc,
l'étranger,
littéralement : le pourfendeur du ciel.
Le premier missionnaire blanc qui débarqua
à Samoa, arriva sur un voilier.
Les indigènes prirent de loin les voiles blanches
pour un trou dans le ciel,
à travers lequel le Blanc venait à eux.
Il traversait le ciel. |
Paru en Allemagne en 1920, traduit en quinze langues et
vendu à des millions d'exemplaires, Le Papalagui avait
attendu le début des années 80 pour
être accessible aux lecteurs francophones dans une traduction
(Aubier Flammarion) largement diffusée mais rapidement
épuisée ; cette nouvelle
édition vient donc à propos.
Le texte est présenté
comme un recueil d'observations et de réflexions
où la civilisation occidentale est passée au
crible du bon sens d'un dignitaire samoan du début du
siècle : au retour d'un voyage en Europe, Touiavii
ne cache ni sa surprise ni son indignation après avoir
constaté l'étrange manière dont vivent
les ressortissants d'une grande puissance coloniale ; il
s'amuse du manque de savoir-vivre des Blancs et s'indigne de leur
hypocrisie. Près d'un siècle plus tard, la charge
n'a rien perdu de sa pertinence. L'introduction d'Eric Scheurmann
souligne la portée universelle du regard de celui qu'il
présente comme son ami : “ Touiavii,
l'insulaire sans culture, considérait toutes les
acquisitions culturelles européennes comme de la folie,
comme une impasse […]. Mais il le fait avec le ton de la
mélancolie, témoignant que son ardeur
missionnaire prend sa source dans l'amour humain, non dans la
haine ” (p. 13).
On sait aujourd'hui (cf. Tahiti Pacifique
Magazine, n° 121, mai 2001, p. 43)
que Le Papalagui est l'œuvre d'Eric
Scheurmann à qui l'on doit par ailleurs un remarquable
ensemble de photographies des Samoa au début du dernier
siècle ; cet Allemand était suffisamment
imprégné de la civilisation
polynésienne pour crédibiliser une fable qui
trouve son premier ressort dans l'horreur suscitée par le
déclenchement de la première guerre mondiale.
L'intérêt du recueil n'est pas amoindri par cette
révélation. On notera que la démarche
de Scheurmann s'inscrit dans une tradition inaugurée par
Diderot avec son “ Supplément au
voyage de Bougainville ” où
l'on voit un des chefs de l'île haranguer
les malheureux Tahitiens.
Il reste aux lecteurs curieux de
littérature samoane à se tourner vers les
écrits plus récents d'Albert
Wendt ou de Sia
Figiel.
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EXTRAIT |
[…] le Papalagui pense tant que penser
lui est devenu une habitude, une nécessité et
même une obligation. Il faut qu'il pense sans
s'arrêter. Il parvient difficilement à ne pas
penser, en laissant vivre son corps. Il ne vit souvent qu'avec la
tête, pendant que tous ses sens reposent dans un sommeil
profond, bien qu'il marche, parle, mange et rie.
Les pensées, qui sont les fruits du penser,
le retiennent prisonnier. Il a une sorte d'ivresse de ses propres
pensées. Quand le soleil brille, il pense
aussitôt : « Qu'il fait
beau maintenant ! » C'est faux.
Fondamentalement faux. Fou. Parce qu'il vaut mieux ne pas penser du
tout quand le soleil brille.
Un Samoan intelligent étend ses membres
sous la chaude lumière et ne pense à rien. Il ne
prend pas seulement le soleil avec la tête, mais aussi avec
les mains, les pieds, les cuisses, le ventre et tous les membres. Il
laisse sa peau et ses membres penser pour lui. Et ils pensent
certainement aussi, même si c'est d'une autre
façon que la tête. Mais pour le Papalagui
l'habitude de penser est souvent sur le chemin comme un gros bloc de
lave dont il ne peut se débarasser. Il pense à
des choses gaies, mais n'en rit pas, à des choses tristes,
mais n'en pleure pas. Il a faim, mais ne prend pas de taro ni de palousami.
C'est un homme dont les sens vivent en
conflit avec l'esprit, un homme divisé en deux parties.
☐ pp. 125-126
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Der
Papalagui : Die Reden des Südsee-Häuptlings
Tuiavii aus Tiavea », Buchenbach/Baden :
Felsenverlag, 1920
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- « Le
Papalagui » trad. de l'allemand par Berthe Cavin,
Paris : Les Œuvres libres, 1932
- « Le
Papalagui : les discours de Touiavii, chef de tribu de
Tiavéa dans les mers du Sud » trad. de
l'allemand par Urs Dominique Sprenger, Paris :
Aubier-Flammarion, 1981
- « Le
Papalagui : les propos de Touiavii, chef de la tribu de
Tiavéa dans les îles
Samoa » trad. de
l'allemand par Dominique Roudière, Paris : Pocket
(Presses
pocket, 11857), 2004
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- «
Samoa : ein Bildwerk », Horn in
Baden : Selbstverl., 1926 ; Konstanz :
See-Verlag, 1927
- « Samoa
gestern : eine Dokumentation mit Fotogr. von 1890-1918 und
Text
von Erich Scheurmann » Hrsg. : Christian G.
Staehelin
und Robert Tanner, Zollikon-Zürich : Tanner und
Staehelin,
1978
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mise-à-jour : 5
juillet 2012 |
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