2ème édition du Prix du Livre Insulaire
(Ouessant 2000)
Prix « prose narrative » |
Ô fugitif :
Anthologie autour de la figure du marron / textes réunis
et présentés par Jacqueline Picard avec la collaboration
d'Armelle Détang et Claude Lucas. - Le Gosier (Guadeloupe) :
Éd. CARET, 1999. - 409 p. : ill. ; 19 cm.
ISBN 2-912849-02-0
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| Et son unique main d'homme nous montre au loin La victoire qui germe au fond de nos innocences !
René Depestre, Ode à Mackandal (cité p. 308) |
JACQUELINE PICARD : Le marron, dans l'acception la plus
courante, est le nom sous lequel était désigné
dans les colonies l'esclave qui désertait, provisoirement
ou définitivement, son lieu d'esclavage. Bien sûr,
d'autres personnes désertaient, marronnaient : le
matelot, le soldat ou l'engagé au service d'un colon,
souvent partis d'Europe sur un coup de tête ou pour se
faire oublier. Bien sûr, des animaux marronnaient :
les cabris et cochons lâchés sur les îles
pour servir de garde-manger aux équipages des galions
et de gibier aux premiers habitants, qu'ils soient indiens ou
colons. Mais le marronnage des esclaves, parce qu'il a été
co-substantiel à l'esclavage dans toutes les colonies,
parce qu'il a fait l'objet de lois et de règlements spécifiques
pour le réprimer, et qu'il a constitué selon les
lieux et les époques, une menace pour le maintien des
colonies, un espoir ou un pis-aller pour les intrépides
et les désespérés, est le phénomène
que l'Histoire a essentiellement retenu.
Comme l'esclave-marchandise par
sa désertion « vole à son maître
le prix de sa valeur », ainsi que le déclare,
sans ironie aucune, un arrêt de la Cour royale de Martinique,
et que le fugitif est souvent amené à voler pour
assurer sa survie, le maître l'appelle brigand,
même s'il sait pertinemment qu'un brigand, ce n'est pas
tout à fait la même chose. L'esclave, de son côté,
en accomplissant un acte de rébellion contre un ordre
établi par des lois, est, de fait, un rebelle. Voilà,
très schématiquement, la figure bi-frons dont la
littérture va s'emparer, s'efforçant de lui donner
des linéaments concrets.
L'initiative de proposer une
anthologie autour de la figure du marron s'apparente un peu à
la nature même du sujet traité : une pratique
de maraudage et de vagabondage pour qui ne veut voir dans le
marron qu'un brigand, ou une pratique libertaire pour qui le
considère comme le rebelle à un ordre établi
une fois pour toute.
Maraudage, car une anthologie
est le résultat d'un travail de compilation, un chapardage
incertain dans des textes ayant leur finalité propre,
à l'instar de ce que faisait au XIXe siècle
une Gazette des Gazettes qui s'était intitulée
pour cela, Le Voleur, pratiquant ouvertement la politique
du coucou, qui, comme on le sait, s'installe dans le nid d'autrui.
Vagabondage, car la forme anthologique
garantit la liberté du lecteur, qui pourra faire du cabotage
entre Petites et Grandes Antilles, sauter des étapes,
mettre les voiles en direction du Surinam ou de La Réunion,
et même, virer de bord, partir vent arrière pour
jeter l'ancre à l'île de Chio.
Pratique libertaire enfin, car
le recueil suggère une navigation intertextuelle indispensable
à une approche sans a priori des écrits. Noir,
jaune ou blanc, c'est toujours un Autre qui écrit, car
le marron ne passait pas son temps à écrire ses
mémoires ; et quand, par un hasard exceptionnel,
un Michel Barnet se fait le porte-parole d'un vieux marron centenaire
à Cuba, c'est encore lui qui oriente le discours, compose
et agence le document du magnétophone. Malgré ce
fossé entre le marron et le scripteur, le lecteur verra
se dessiner avec netteté plusieurs silhouettes, entendra
parfois sa voix et ses ricanements, surtout ses ricanements,
les armes du désespoir.
[…]
☐ Avant-propos, pp. 1-2
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LES AUTEURS |
- XVII-XVIIIe
siècles :
R.P. Dutertre, Abbé Raynal, Abbé Prévost,
Abbé Le Monnier, Nicolas-René Camus-Darras, Jean-François
de Saint-Lambert, Méderic Moreau de Saint-Mery, M. de C***
| - XIXe siècle : Jean-Gabriel Stedman, Eugène
Sue, Benjamin Moseley, Petrus Borel, Mattew Gregory Lewis, J.
Levilloux, Poirié Saint-Aurèle, F. Dubois, François
Marbot, Louis-Thimagène Houat, Leconte de Lisle, Eugène
Dayot
| - XXe siècle : Justin Lhérisson, Jean-Joseph
Vilaire, Félix Viard, Max Vallès, René Depestre,
Alejo Carpentier, René Clarac, Léonard Sainville,
Miguel Barnet, Russel Banks, Edouard Glissant
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mise-à-jour : 4 janvier 2006 |
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