NOTE
DE L'ÉDITEUR :
Après 18 ans d'exil, Fernando Terry revient passer un mois
à La Havane, pour trouver enfin le manuscrit
autobiographique du grand poète José Maria
Heredia (un cousin de celui que nous connaissons), auquel il a
conscré sa thèse. Il en profite pour tirer au
clair les circonstances qui ont entouré son expulsion de
l'université, et lui font soupçonner une trahison
et une dénonciation.
Au récit de ce
retour et de la recherche du manuscrit s'ajoutent deux autres plans
temporels : la vie de Heredia au début du XIXe
siècle (le manuscrit) pendant les premières
tentatives d'émancipation de la colonie espagnole et les
derniers jours du fils du poète, José de Jesus,
franc-maçon, au début du XXe
siècle. Peu à peu émergent des
parallélismes suprenants dans la vie des personnages, comme
si, à travers les siècles, l'histoire de Cuba
marquait d'un sceau fatal les destins individuels.
Dénonciations, exil, intrigues politiques, trahisons
semblent inévitables à tout créateur
talentueux, quelque soit le moment historique qu'il lui est
donné de vivre.
Leonardo Padura confirme ici
son statut d'écrivain. Il évoque avec talent le
romantisme dans les Caraïbes coloniales, les loges
maçonniques et leur survie jusqu'à aujourd'hui,
et nous emmène dans un voyage aux origines de la conscience
nationale cubaine à travers la vie de son premier grand
poète.
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PHILIPPE
LANÇON :
[…]
Le Palmier et
l'étoile est inspiré par l'histoire dramatique
de José Maria Heredia, le premier grand poète
cubain, et l'un des plus fameux romantiques de langue espagnole. Un
universitaire, Fernando Terry, revient à Cuba en 1998,
après dix-huit ans d'exil, pour rechercher un texte posthume
et inconnu d'Heredia. Ce texte, ce sont ses
mémoires : La novela de mi vida
(« Le roman de ma vie », titre du
roman de Padura, en espagnol).
Heredia est mort en exil au
Mexique, en 1839, à 35 ans. Il avait lutté pour
l'indépendance, la démocratie, l'affranchissement
des esclaves. Depuis lors, ses mémoires ont disparu. Le fils
cadet du poète les a remis soixante ans plus tard
à sa loge maçonnique. Ils ont circulé,
de main en main, avant de se perdre. Les retrouver serait
essentiel : l'identité cubaine s'est
forgée dans le destin symbolique de cet homme.
Fernando plonge alors dans le
monde maçonnique cubain, à la recherche du
manuscrit perdu. Padura rend ici hommage à son
père, petit épicier et franc-maçon de
la loge « Fils de la lumière et de la
constance », « mais il
n'a pas lu mon livre, il lit peu ».
Surtout, Fernando veut profiter de sa recherche pour comprendre qui, en
1980, l'a trahi, cassant sa carrière. A Madrid, la vie de
cet universitaire est devenue fantomatique : il se survit. Il
retrouve à Cuba ses anciens amis et les évalue un
par un : lequel fut le traître ? Mais y en
eut-il vraiment un ? Et retrouvera-t-il le
manuscrit ? Les réponses auront l'amertume d'une
mangue verte et le sourire d'un fou.
Padura a écrit son
livre en homme de métier. Trois récits
s'enchevêtrent : celui de Fernando ; celui
du manuscrit perdu d'Heredia ; et celui d'Heredia
lui-même, dont Padura écrit les
« mémoires » (qui
n'ont en vérité jamais existé)
à la première personne. Il le fait avec de
longues phrases, un peu ampoulées, sans anachronisme, pour
donner le parfum littéraire de l'île au
début du dix-neuvième siècle. Elles
collent de près aux nombreuses lettres du poète.
Au début, Padura écrivait les trois histoires de
front. « Mais j'ai failli devenir fou, sourit-il.
Alors j'ai arrêté, pour écrire une
nouvelle aventure du Conde, Adieu Hemingway. Il
enquête sur un cadavre qu'on déterre dans le
jardin de la propriété d'Hemingway à
La Havane. Le type est mort en 1958, tué par un arbre
pendant un cyclone. C'était un agent du FBI
chargé de surveiller l'écrivain. Hemingway
était un personnage difficile, menteur et traître,
mais l'écrivain reste pour moi un
maître ». Iles à la
dérive, œuvre posthume, est le livre de
l'Américain qu'il préfère.
Ensuite, Padura a repris le Palmier
et l'étoile. Il a écrit chaque
récit, puis les a mêlés. Le
résultat n'est pas un roman historique, mais une
méditation sur la culture et l'histoire politique
cubaine : les destins d'Heredia et de Fernando se
reflètent et se comparent. Padura explique : « Heredia
vit à Cuba la fin d'un monde : fin de la traite des
noirs, fin du rêve colonial. Bientôt, l'Espagne
s'en ira et Cuba se retrouvera seule. Fernando vit lui aussi la fin
d'un monde : celui du rêve communiste. L'Union
soviétique s'en va et Cuba, de nouveau, se retrouve
seule ». Dans cet infernal cycle
historique, une double malédiction se
répète : celle de la trahison et de
l'exil. Avec le palmier, la lumière, la musique et la danse,
elle fonde la culture cubaine.
[…]
☐ Libération,
13 février 2003 [en
ligne]
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « La novela de mi vida »,
Barcelona : Tusquets (Andanzas,
470), 2002
- « Le palmier et l'étoile », Paris :
Métailié (Bibliothèque
hispano-américaine),
2009
|
- « Retour à Ithaque »
avec Laurent Cantet, Paris :
Métailié (Bibliothèque
hispano-américaine),
2020
|
- « Electre à La Havane »,
Paris : Métailié, 1998
- « L'automne à Cuba »,
Paris : Métailié, 2000
- « Passé parfait »,
Paris : Métailié, 2001
- « Les brumes du passé »,
Paris : Métailié, 2006, 2009
- « Poussière dans le
vent », Paris :
Métailié, 2021
|
- « José
María Heredia, la patria y la vida », El
Vedado (La Habana) : Unión, 2003
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