Les
brumes du passé / Leonardo Padura ; trad. de
l'espagnol
(Cuba) par Elena Zayas. - Paris :
Métailié, 2009. -
351 p. ; 19 cm. - (Suite
hispano-américaine, 151).
ISBN
978-2-86424-693-0
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| Ce
serait intéressant de savoir à quel moment
l'éprouvette s'est cassée (…) et quand
tout a
commencé à partir en couilles, non ?
☐ p. 103 |
Mario
Conde a quitté la police depuis plus de dix ans et trouve de
quoi survivre en achetant et vendant des livres anciens ; mais
le
fantôme d'une chanteuse de boléro qui surgit des brumes du
passé dans
une fabuleuse bibliothèque privée promise
à la
dispersion réveille les habitudes de l'enquêteur.
La
fructueuse chasse aux trésors cède vite le pas
à
l'investigation puis à une descente aux enfers où
les
turpitudes des derniers temps de la dictature de Batista se
télescopent avec la déliquescence d'aujourd'hui
— misère, trafics,
compromissions.Au
terme d'un parcours éprouvant, subistent de rares valeurs,
l'amour et l'amitié, la musique, les livres. Quand
libéré de sa mission, Mario Conde retourne
auprès
de son amie Tamara, il peut lui faire cadeau d'une édition
rare
des Poesías de
José María Heredia 1 : “ Édition de
Toluca, 1832. Celle qui a le plus de valeur, celle dont Heredia a
composé la typographie avec l'aide de son épouse,
la
meilleure édition … pour
toi ”
(p. 348). 1. | Figure majeure de la poésie
cubaine, José María Heredia (1803-1839), est au
premier plan d'un autre roman — Le palmier et
l'étoile — de Leonardo Padura qui lui a par ailleurs
consacré un essai suivi d'un choix de poèmes. |
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EXTRAIT |
Cristóbal éteignit sa cigarette, se
leva en
s'aidant de la table et en plaçant une des
béquilles sous
son bras.
— Je vais manger un morceau.
Occupe-toi de la bibliothèque … Avant
que je
revienne, va là-bas derrière et choisis les
livres dont
tu as besoin ou que tu aimes. Emporte-les, sauve-les, mais prends soin
d'eux.
Stupéfait par cette proposition, le Conde
avait regardé Cristóbal qui sortait en
balançant
son corps sur ses appuis en bois. Une demi-heure plus tard le vieux
était revenu, Conde était toujours au
même endroit,
avec un seul livre entre ses mains, celui qu'il lisait.
— Pourquoi ne m'as-tu pas
écouté ? avait voulu savoir le
bibliothécaire.
— Je ne sais pas, Cristóbal, je
ne peux pas …
— Tu le regretteras un
jour …
Quinze ans plus tard, quand le lieutenant de police Mario
Conde
était entré à nouveau dans l'ancien
lycée
de La Víbora, pour enquêter sur l'assassinat d'une
jeune
professeur de chimie, une de ses premières visites avait
été pour l'ancienne bibliothèque
impeccable
où Cristóbal lui avait fait lire Virgile,
Sophocle et
Euripide, Novás Calvo, Piñera et Carpentier. Pour
sa
douleur éternelle, l'ancien étudiant avait
compris que la
réalité avait dépassé les
prédictions de Cristóbal le boiteux. Quelques
rares
livres disloqués et moribonds, rangés n'importe
comment,
piquaient du nez entre les espaces vides des
étagères
autrefois bien remplies, d'où s'étaient
envolés
grecs et latins, dramaturges anglais et poètes italiens,
chroniqueurs des Indes, historiens et romanciers cubains. Le pillage
avait été systématique, impitoyable,
et
apparemment personne n'avait payé pour cet acte vexatoire.
Alors, Conde avait pensé que Cristóbal le
boiteux, dans
sa tombe obscure, avait dû ressentir sur ses os les coups de
fouet d'une profanation perfide, capable de tuer la meilleure
œuvre de sa pauvre vie de bibliothécaire
mutilé,
amoureux de ses précieux livres.
☐ pp. 164-165 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « La
neblina del ayer », Barcelona : Tusquets (Andanzas, 577),
2005
- « Les
brumes du passé », Paris :
Métailié (Bibliothèque
hispano-américaine),
2006 ; Paris : Points (Policier, P2530), 2011
|
- « Electre à La Havane »,
Paris : Métailié, 1998
- « L'automne à Cuba »,
Paris : Métailié, 2000
- « Passé parfait »,
Paris : Métailié, 2001
- « Le palmier et
l'étoile », Paris :
Métailié, 2003
- « Poussière dans le vent », Paris : Métailié, 2021
|
- « José
María Heredia, la patria y la vida », El
Vedado (La Habana) : Unión, 2003
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mise-à-jour : 16 février 2022 |
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