La moitié
d'une vie / V.S. Naipaul ; trad. de l'anglais par Suzanne
V. Mayoux. - Paris : Plon, 2002. - 238 p. ; 23 cm.
- (Feux croisés).
ISBN 2-259-19576-8
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NOTE DE L'ÉDITEUR : La Moitié d'une vie
est l'histoire de Willie Chandran, dont le père a tourné
le dos à son héritage de brahmane pour épouser
une femme de basse caste. Quand Willie atteint l'âge adulte,
il décide de fuir sa condition de sang-mêlé
et se retrouve très loin de l'Inde, dans le Londres bohème
et bariolé des années 50, où il se forge
une nouvelle identité. Il s'épuise dans des aventures
sexuelles et dans sa lutte pour devenir écrivain —
épreuves dont il est sauvé par l'amour d'une femme.
Nouvel arrachement : il accepte de suivre cette femme estimable
chez elle, en Afrique, pour vivre jusqu'aux derniers jours de
l'époque coloniale une existence inédite.
Dans ce récit lumineux
qui nous transporte à travers trois continents, Naipaul
explore le grand thème de l'identité et de l'exil
avec toujours plus d'acuité et d'immédiateté.
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JEAN-PIERRE NAUGRETTE : Le dernier Naipaul semble […] apaisé,
intégré dans la société anglaise.
[Le] roman, […] s'intitule [en anglais] Half a Life :
la moitié d'une vie, celle d'un « demi-caste »
écartelé entre les cultures, mais qui aurait trouvé
satisfaction dans la sexualité, thème qui taraude
l'écrivain vieillissant. Peut-être aussi les cases
de l'échiquier qui figure chez Chirico : le noir
ou le blanc, l'exil ou le royaume, Trinidad ou l'Angleterre,
Naipaul semble enfin maître du jeu. L'énigme de
l'arrivée enfin résolue, même si la voile
du navire, derrière le mur, pointe toujours vers Port
of Spain.
☐ Le Monde, 15 octobre 2001
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JONATHAN BATE : Le
nouveau roman de V.S. Naipaul repose tacitement sur un mot désormais
interdit : half-caste (mot à mot : « demi-caste »,
« sang-mêlé »). Le livre raconte
les quarante premières années de la vie d'un Indien
nommé Willie Somerset en souvenir de la rencontre de son
père avec Somerset Maugham.
[…]
Le titre de l'ouvrage, Half
a Life (« La moitié d'une vie » […], va au-delà du simple fait que le livre se termine
alors que Willie entre dans l'âge moyen de la quarantaine.
Il signale aussi le fait que celui-ci vit et fait les choses
à moitié : il reste à mi-chemin entre
les cultures, ressent des « demi-sentiments »
et possède des « amis dans tous les camps »,
pour la plupart métis.
[…]
Le récit se divise en
deux époques. Parti étudier en Angleterre, Willie
se retrouve dans la peau de « l'immigrant-bohème
traversant le Londres de la fin des années 50 ». […] Willie devient écrivain ; il s'aperçoit
que ses textes fonctionnent mieux quand il projette sa propre
expérience à travers le prisme d'autres mondes,
ceux des films hollywoodiens, par exemple. Et il en va de même
pour Naipaul. La seconde partie du livre est de loin la plus
frappante. Willie suit une métisse, appelée Ana,
en Afrique portugaise […].
La sœur de Willie épouse […] un Allemand réalisateur de documentaires sur Che
Guevara et d'autres leaders révolutionnaires. Dans le
roman, elle représente — schématiquement —
l'éveil politique des peuples colonisés, offrant
un contraste par rapport à Willie, qui, durant ses années
africaines, a connu un éveil plus sexuel que politique.
C'est là que le roman devient intense, et ce d'une façon
politiquement incorrecte. Willie découvre qu'il y avait
« quelque chose dans le cœur africain qui nous excluait
tous, quelque chose qui allait au-delà du politique » :
le pur abandon au sexe. Les détracteurs de Naipaul vont
bondir, l'Africain comme athlète sexuel prédateur,
n'est-ce pas le plus vieux cliché raciste qui soit ?
Naipaul sait qu'il prend un risque,
mais la tentative s'avère payante grâce à
la force de ses personnages. La soumission de Willie au désir
sexuel est parfaitement crédible, le système des
castes en Inde et des classes en Angleterre l'ayant jusqu'à
présent contraint à mener une « demi-vie ».
L'Afrique le libère et le fait entrer dans la sensualité.
Naipaul traduit ce changement avec un grand talent […].
Dans le même temps, Willie
reste conscient que cette vie à laquelle il vient d'être
initié n'est pas vraiment la sienne. Nos origines nous
accompagnent toujours. […]
☐ Lire, septembre 2002 |
COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE | - « Half a life »,
Londres : Picador, 2001
- « La moitié
d'une vie », Paris : 10/18 (Domaine étranger,
3700), 2004
| - « Miguel
street », Paris : Gallimard (Du monde entier),
1967 ; UGE (10/18 Domaine étranger, 2530), 1994 ;
Gallimard (L'Imaginaire, 410), 1999
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mise-à-jour : 27 août 2018 |
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