Né à La Réunion en 1978, Francky Lauret expose la face sombre de l'île ; il revendique le droit de la première nuit et en use avec entrain : Jus primae noctis, le poème qui clôt le recueil, est présenté comme une ode à Jeanne Duval, la maîtresse noire de Baudelaire.

Mais derrière la provocation souvent jubilatoire — à la mesure des outrages subis et de la douleur que cristallise à La Réunion le souvenir de Mme Desbassin —, le propos vise à exalter plus que la nuit, où peuvent s'inverser les valeurs, tous les possibles qu'abrite la promesse du matin à venir : “ Ce qui va naître ici va emplir le monde … ”

EXTRAIT

Je suis content de l'écoute innocente de celui qui ne nous impose pas ses faux problèmes. Puissé-je écrire en anglais et porter notre voix au monde … Je ne parle pas créole pour l'étranger réuni avec nous sur ce bout de monde du bout du monde. — mais même à celui qui comprend le français, mon texte ne reste-t-il pas hermétique ? — Le chant des îles a bien changé, me diras-tu, toi, l'étranger, mais je ne suis pas le premier à ne plus peindre l'île paradisiaque, l'Eden antique, le jardin vert, la terre première aux végétations luxuriantes. Si par contre, je pouvais être le dernier à parler de la sorte … Serait-il possible qu'une ère nouvelle commence ? Il ne faut plus nous croire opprimés, les fantômes ont été libérés, les visages de Desbassin ne viendront plus nous hanter. Comme il y a de la place pour l'île dans le cœur de chacun, il y a de la place pour chacun dans le cœur de cette île. Selon les limites de la mer. ☐ Graffiti & Freestyle — Discours du 19 décembre 1998, pp. 41-42