L'île et un homme /
Kostan Zarian ; traduction de l'arménien et
avant-propos par Pierre Ter-Sarkissian. - Marseille :
Parenthèses, 1997. - 155 p. ;
24 cm. - (Arménies).
ISBN 2-86364-088-7
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NOTE
DE L'ÉDITEUR
: Entre récit de voyage et journal intime, L'île
et un homme se marque des réminiscences et des
souvenirs d'amitiés nouées à Ischia,
Corfou ou Chypre, là où se côtoient,
dans les années cinquante, nombre d'écrivains en
recherche de nouveaux champs d'inspiration à la
croisée des cultures : “ Nous
avons vécu un mois merveilleux à Ischia avec ce
vieux Zarian qui, à propos, suggère que vous
alliez y passer un an à discuter avec lui des
problèmes fondamentaux de la vie, de l'art, de la
sexualité et de la mort ” 1.
Véritable contrepoint de L'île
de Prospero, ce voyage intérieur au style incisif,
se donne le caractère d'une narration traversant
l'imaginaire de l'insularité ; mais les voiles de
la fiction découvrent à chaque instant les mythes
méditerranéens chers à un
écrivain qui savait entendre la voix des choses. Des choses
et des hommes.
❙ | Né
en 1885 en Azerbaidjan, Kostan Zarian poursuit ses études
à Paris puis à Bruxelles où il écrit ses
premiers poèmes en français. Suivant le conseil d'Emile
Verhaeren, il décide ensuite d'apprendre l'arménien au
couvent des Pères Mekhitaristes de San Lazzaro près de
Venise (comme Byron) et c'est dans cette langue qu'il produira
l'essentiel de son œuvre avant de retourner en Union
soviétique où il meurt en 1969. |
1. |
Lettre de Lawrence Durrell (Belgrade, juillet
1950) à Henry Miller. |
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LAWRENCE
DURRELL :
Zarian est grand, imposant
même ; il a une superbe crinière blanche,
et il bat la mesure tout en fredonnant sa dernière chanson
d'amour ; avec une modestie péremptoire et
charmante, il se prétend le plus grand poète
arménien vivant. Voilà bientôt
près de deux ans qu'il fredonne ses œuvres
à qui veut bien lui prêter l'oreille, tout en se
livrant à une étude exhaustive des vins de
l'île. Il a réussi à transformer le
dernier étage de l'hôtel Saint-Georges en cabinet
de travail : un fouillis de manuscrits et de peintures. C'est
là, devant les fortifications trapues du Fort Oriental,
qu'il compile ses articles littéraires pour divers journaux
arméniens du nouveau monde, en s'arrêtant de temps
à autre, pour vider un verre de vin.
[…]
Quand il marche on croirait
qu'il porte un manteau très lourd. C'est lui qui a
organisé nos réunions littéraires
hebdomadaires au café de “ la
Perdrix ”, près de la grand-place de la
ville. Zarian possède une extraordinaire machine
à écrire qui lui permet, en changeant simplement
le cylindre de caractères, d'écrire en
français ou en italien, en arménien ou en russe.
Au cours de ces réunions hebdomadaires, il se
lève et récite, d'une belle voix bien
timbrée, le monologue d'Hamlet “ To be or
not to be ” d'abord en français, puis en
arménien, en russe, en italien, en allemand et en espagnol.
Il dédaigne d'apprendre l'anglais correctement.
☐
« L'île de Prospero », Paris :
Buchet Chastel, 1991 (pp. 16-17)
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EXTRAIT |
Larry 1 regardait de tous les côtés,
visiblement enthousiaste :
— Ça n'a rien d'inférieur aux
beautés de Corfou. Vous vous souvenez de
Paliokastritsa ?
— À Majorque aussi, dit un autre, il y a des
paysages comme ceux-ci.
— Et aux Açores aussi.
— C'est que toutes les îles du monde sont
nées de la même mère complexe et
mystérieuse, pleine de secrets, la mer.
— Elles appartiennent toutes au même
élément, à la même race
géographique.
— Une race ?
— Oui, en ce sens qu'elles sont soumises aux mêmes
caractères … Attendez que je
finisse … Oui, je disais ceci : tout
d'abord leur solitude. Elles sont isolées,
isolées comme des seigneurs. Ces collines ou ces montagnes
qui s'élèvent de la mer vers le ciel dans le
mugissement des vagues sont toutes battues par les mêmes
vents, ébranlées par le concert des
mêmes tempêtes. Vous n'avez pas remarqué
que les îles ont toujours l'air soucieuses,
préoccupées, comme des femmes qui attendent sur
la grève le retour des pêcheurs ?
☐ pp. 66-67
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- Lawrence
Durrell, « L'île
de Prospero », Paris : Buchet
Chastel, 1962, 1991 ; Librairie générale
française (Le Livre de poche, Biblio, 3194), 1993
- Lawrence
Durrell, Henry Miller, « Une correspondance
privée », Paris : Buchet
Chastel, 1963 ; Le Livre de poche (Le Livre de poche, 3846),
1974
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mise-à-jour : 3
juin 2007 |
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