Giuseppe Tomasi di Lampedusa

Le Guépard, nouv. éd. et postface de Gioacchino Lanza Tomasi, trad. par Jean-Paul Manganaro

Éd. du Seuil

Paris, 2007
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Méditerranée
parutions 2007
Le Guépard / Giuseppe Tomasi di Lampedusa ; nouvelle éd. et postface de Gioacchino Lanza Tomasi ; trad. de l'italien par Jean-Paul Manganaro. - Paris : Seuil, 2007. - 390 p. ; 21 cm.
ISBN 978-2-02-090679-1
La nouvelle édition française du « Guépard » se distingue de la précédente par deux apports significatifs. Elle se base, en premier lieu, sur un texte plus conforme que le précédent aux intentions de l'auteur. En effet, Lampedusa étant mort sans avoir pu contrôler directement l'édition de son œuvre, la première publication réalisée dans l'urgence en 1958 par Giorgio Bassani n'avait pu exploiter au mieux les différents états du manuscrit, d'où certaines approximations et erreurs relevées en 1968 par Carlo Uscetta — examen critique suivi, en 1969, de la publication d'une édition conforme au manuscrit de 1957, réputée répondre aux dernière volontés de l'auteur.

Cette édition de référence, légèrement amendée et complétée de courts fragments découverts postérieurement, rendait nécessaire une nouvelle traduction ; elle fut confiée à Jean-Paul Manganaro qui, outre la contrainte de prendre en compte la version rétablie du texte original, s'est efforcé de respecter au plus près les particularités stylistiques de l'écriture de Lampedusa, de rendre sensible sa respiration : « l'écriture de Lampedusa a quelque chose de baroque (…) elle est démesurée dans l'étalage de ce qu'elle dit, (…) elle déborde en quelque sorte, par de très longs phrasés, la mesure habituelle de ce qu'une phrase est académiquement censée être dans sa syntaxe, dans son lexique, dans sa ponctuation, dans ses majuscules et ses minuscules » 1. Comme il était prévisible, les avis sont partagés sur le degré de réussite de cet objectif.

Mais, pour s'en tenir au seul apport d'une nouvelle traduction, on retiendra l'opportunité qu'offre un regard différent sur le roman de Lampedusa. La confrontation des deux approches — celle de Fanette Pézard, la première traductrice, et celle de Jean-Paul Manganaro — contraint à une permanente vigilance et peut aider à ne pas rester dupe d'une lecture univoque. À l'évidence, deux guides ne sont pas de trop pour démêler les tours et détours d'une œuvre forte et singulière, fruit d'un esprit déterminé mais tortueux.
       
1. Jean-Paul Manganaro, Note du traducteur, p. 390
EXTRAIT

[…] la Sicile, l'atmosphère, le climat, le paysage. Ce sont ces forces-là qui, en même temps et peut-être plus encore que les dominations étrangères et que les viols incongrus, ont forgé cette âme : ce paysage qui ignore le juste milieu entre la mollesse lascive et l'âpreté damnée ; qui n'est jamais mesquin, terre à terre, détendu, humain, comme devrait l'être un pays fait pour que des être rationnels y demeurent ; ce pays qui à quelques milles de distance possède l'enfer autour de Randazzo et la beauté de la baie de Taormina, l'un et l'autre outre mesure, et donc dangereux ; ce climat qui nous inflige six mois de fièvres à quarante degrés ; […] Mai, Juin, Juillet, Août, Septembre, Octobre ; six fois trente jours de soleil surplombant nos têtes ; notre été long et sinistre comme un hiver russe et contre lequel on lutte avec moins de succès ; […] on peut dire que chez nous il neige du feu, comme sur les villes maudites de la Bible ; pendant chacun de ces mois, si un Sicilien travaillait sérieusement il dépenserait l'énergie qui serait suffisante pour trois personnes ; et puis l'eau, qui n'existe pas ou qu'il faut transporter de si loin que chacune de ses gouttes est payée par une goutte de sueur ; et après encore, les pluies, toujours orageuses qui rendent fous les torrents asséchés, qui noient bêtes et gens justement là où une semaine plus tôt les uns et les autres crevaient de soif. Cette violence du paysage, cette cruauté du climat, cette tension perpétuelle de chaque aspect, ces monuments, aussi, du passé, magnifiques mais incompréhensibles parce qu'ils n'ont pas été édifiés par nous et qu'ils se trouvent autour de nous comme autant de très beaux fantômes muets ; tous ces gouvernements, débarqués avec leurs armes d'on ne sait où, aussitôt servis, vite détestés et toujours incompris, qui ne se sont exprimés qu'à travers des œuvres d'art énigmatiques pour nous et avec de très concrets percepteurs d'impôts dépensés ensuite ailleurs ; toutes ces choses-là ont forgé notre caractère qui demeure donc conditionné par des fatalités extérieures autant que par une terrifiante insularité spirituelle.

pp. 204-205

COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE
  • « Le Guépard » trad. par par Jean-Paul Manganaro avec une postface de Gioacchino Lanza Tomasi, Paris : Points (Points, 4492), 2017
  • « Il Gattopardo » a cura di Giorgio Bassani, Milan : Feltrinelli, 1958
  • « Il Gattopardo » a cura di Carlo Muscetta (edizione conforme al manoscritto del 1957), Milan : Feltrinelli, 1969
  • « Il Gattopardo » a cura di Gioacchino Lanza Tomasi (nuova edizione riveduta), Milan : Feltrinelli, 2002
  • « Le Guépard » trad. par Fanette Pézard, préface de Giorgio Bassani, Paris : Seuil, 1959 ; Seuil (Points roman, R3), 1980
  • « Le Guépard » trad. par Fanette Pézard, préface de Vincenzo Consolo, Paris : Seuil (Points, 260), 1996, 2006
  • Francesco Orlando, « Un souvenir de Lampedusa [suivi de] A distances multiples », Paris : L'Inventaire, 1996
  • Francesco Orlando, « L'intimité et l'histoire : une lecture du Guépard », Paris : Classiques Garnier (Théorie de la littérature, 8), 2014
  • Philippe Godoy, « Le Guépard ou la fresque de la fin d'un monde », Paris : L'Harmattan (Classiques pour demain), 2009

mise-à-jour : 8 octobre 2019

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