Voyage en
Europe / Giuseppe Tomasi di Lampedusa ; édition critique de
Gioacchino Lanza Tomasi et Salvatore Silvano Nigro ;
trad. de
l'italien par Nathalie Castagné. - Paris : Seuil, 2007. -
216 p. ; 21 cm. - (Réflexion).
ISBN
978-2-02-095019-0
|
Les lettres réunies
ici ont été adressées par le futur
auteur du Guépard
à ses cousins Casimiro et Lucio Piccolo ; comme l'indique le
titre du recueil, elles reflètent les impressions directes
ou
indirectes reçues lors de voyages en Europe (Grande-Bretagne, France,
Suisse, Allemagne) entre
1925 et 1930. C'est en quelque sorte un journal de route qui
porte la marque d'influences consenties — Stendhal (Journal d'un touriste) mais
également Dickens ou Chesterton. Plus encore s'y manifeste
le
tour d'esprit qui prévalait dans le cercle très
fermé des familiers de l'auteur, soit une certaine rosserie
de
ton et une prédilection pour les sous-entendus scabreux dans
la
veine de Pétrone.
Depuis
Londres, Paris ou Berlin, Lampedusa
— « le
Monstre » — peut se livrer sans
retenue à
l'un de ses excercices favoris : brocarder le provincialisme
sicilien et, plus précisément, ce qui lui
paraît
être des travers de mœurs, de culture ou de langue
attribuables à l'enfermement insulaire. Mais la critique
à laquelle il se livre, parfois sans retenue et avec
jubilation,
n'est pas exempte de duplicité ; aussi
éloigné qu'il se trouve de l'île
natale, celle-ci
reste au cœur de sa préoccupation, appelle avec
force
l'évaluation comparative au risque d'entraîner un
jugement
peu flatteur. On retrouvera ce regard ambivalent dans le Guépard et
dans les textes réunis dans le Professeur et la
sirène.
Trente ans
séparent ces lettres brillantes des
chefs-d'œuvre qui feront sa notoriété ;
l'œil
est vif, la plume touche sans trembler le défaut de la
cuirasse ; et déjà s'exprime le
sentiment d'un
inéluctable déclin : « Nous sommes
les pâles ombres des vrais seigneurs. Nous sommes
pauvres et nous mourrons pauvres » — [Londres],
5 août 1927, p. 109.
|
EXTRAIT |
[York], 9 juillet 1927
[…]
Demain
soir,
à 18 h 30, le Monstre descendra
à la station
Waverly à Édimbourg (qui se prononce Idinbor').
Au
Monstre, cette Écosse, invraisemblablement
découpée et jetée là-haut
au milieu des
mers hyperboréennes, a toujours fait l'effet d'une
espèce
d'Islande en plus doux. Et entre ses Lammermoor et lady Macbeth, ses
sorcières et Mary Stuart, ses lacs et ses hommes en jupe, il
l'a
toujours considérée comme le pays des
fées.
Nous
verrons si
c'est vrai. Et nous espérons que survivent les nobles
traditions
de l'hospitalité écossaise, selon lesquelles
l'hôte
avait le droit de profiter non seulement de la maison et du repas, mais
aussi de la femme et des filles de celui qui le recevait. Il est vrai
que depuis la sale histoire du roi Duncan, l'hospitalité
écossaise en a pris un coup. Et le seul lieu où
de telles
traditions, bien commodes, se maintiennent est
précisément Palerme (l'Islande du Sud)
où,
à la Villa Igea, Galanti pousse l'abnégation
hospitalière jusqu'à offrir aux voyageurs, non
certes sa
femme, mais lui-même.
[…]
☐
p. 74 |
|
COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Viaggio
in Europa : epistolario 1925-1930 » a cura di Gioacchino Lanza e Salvatore Silvano
Nigro, Milano :
Mondadori, 2006
|
- « Le Guépard »
trad. par Fanette Pézard, préface de Giorgio
Bassani, Paris : Seuil (Points
roman, R3), 1980
- « Le Guépard
» (nouvelle
éd. et postface de Gioacchino Lanza Tomasi) trad. par Jean-Paul Manganaro, Paris :
Seuil, 2007
- « Byron »,
Paris : Allia, 1999
- « Le professeur et la sirène »,
Paris : Seuil (Points, 975), 2002
|
|
|
|
mise-à-jour : 20
mai 2008 |
|
|
|