Takis Théodoropoulos

L'invention de la Vénus de Milo

Sabine Wespieser

Paris, 2008
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Méditerranée

parutions 2008

L'invention de la Vénus de Milo / Takis Théodoropoulos ; trad. du grec par Michel Grodent. - Paris : Sabine Wespieser, 2008. - 216 p. : ill. ; 19 cm.
ISBN 978-2-84805-064-5
… cette statue, que je nommais Vénus même avant de l'avoir vue.

Comte de Marcellus, cité p. 140

En 1820, l'archipel des Cyclades est pour peu de temps encore sous domination ottomane, quand presque simultanément deux navires français font escale à Milo, 
L'Estafette puis La Chevrette, vite rejoints par la goélette Galaxidis qui écume la mer Egée pour le compte d'un dignitaire de Constantinople amateur d'antiquités.
Or un paysan de l'île vient précisément d'exhumer de son champ les fragments d'un marbre antique, « d'un côté le torse nu avec la tête et de l'autre les membres inférieurs dissimulés par les plis du voile ». Aussitôt connue la nouvelle, un vent de folie se lève sur l'île.

Takis Théodoropoulos s'amuse à décrire les protagonistes de la comédie qui se trame : Yorgos Kendrôtas le propriétaire du champ où gisait la statue ; son apprenti Andréas Kalokairinos 1 le véritable « découvreur » ; Olivier Voutier 2 aspirant à bord de L'Estafette et premier adorateur de la Vénus présumée ; l'enseigne de vaisseau Dumont d'Urville, futur explorateur du Pacifique sud, qui veut s'attribuer le mérite de la trouvaille et va organiser avec méthode un rapt au bénéfice de son souverain ; Dimitri Oiconomos, moine défroqué et détrousseur d'antiquités … D'autres encore, non moins pittoresques.

Les péripéties s'enchaînent, romanesques ou dérisoires. Takis Théodoropoulos les relate avec précision et une pointe d'ironie, s'interrogeant au passage sur l'éblouissement qui en l'absence de preuve tangible révèle Vénus à Olivier Voutier comme au comte de Marcellus … sur les excès que peut engendrer la « nostalgie du Sud » … sur la métamorphose de l'œuvre entre le champ de Yorgos Kendrôtas et le Louvre … sur le pesant silence qui occulte aux oreilles du plus grand nombre le nom du sculpteur — Aguésandros, fils de Ménidès, originaire d'Asie Mineure …
1.Quelques années plus tard, Andréas Kalokairinos quitte Milo pour la Crète où son fils Minos découvre, bien avant sir Arthur Evans, le site de Cnossos.
2.L'année suivante, Olivier Voutier quitte la marine française pour participer avec les patriotes grecs à la guerre d'indépendance.
EXTRAIT Le transport de la Vénus de Milo du champ de Yorgos Kendrôtas vers la salle qui lui était réservée au Louvre n'a pas eu, c'est évident, la même incidence sur le XIXe siècle que Napoléon, Bismarck, la guerre de Crimée ou la première Internationale socialiste de Karl Marx. Mais, de ce siècle, il reflète la vision du monde, le style qui, tendant un miroir à notre présent, trace des circuits invisibles dans les vaisseaux capillaires du temps, comme Jean Valjean, le forçat de Victor Hugo, creuse ses pensées dans les ténèbres. Quant à la Vénus, si l'histoire de son enlèvement revêt pour vous et pour moi une signification qui va au-delà de l'anecdote dont relèvent les comportements des protagonistes, leurs ambitions, leurs amours, leurs rivalités et leurs faiblesses, elle le doit au fait qu'elle est sortie comme de sa propre initiative du néant des siècles. À croire qu'elle avait conservé quelque chose de la pulsion divine que l'esprit de son créateur avait inscrite dans le marbre de Paros. À croire que si elle avait émergé, c'était pour rayonner de toute sa nudité au beau milieu de l'humanité. Pour traduire, dans la langue du XIXe siècle, les angoisses et les fatigues de ce sculpteur qui, dans le lointain premier siècle de notre ère, luttait avec son ciseau pour faire apparaître dans les veines du marbre de Paros les plis de son voile, le fléchissement de sa taille, les douces rondeurs de ses seins et ce sourire de repentance tardive qui se peint sur ses lèvres.

pp. 157-158
COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE
  • Comte de Marcellus, « Souvenirs de l'Orient », Paris : Debécourt, 1839 ; Paris : J. Lecoffre, 1854 ; Vendôme : Cy.ter éditeur, 2006
  • Comte de Marcellus, « Un dernier mot sur la Vénus de Milo », La Revue contemporaine, 30 avril 1854
  • Olivier Voutier, « Découverte et acquisition de la Vénus de Milo », Hyères, 1874
  • Jean-Paul Alaux, « La Vénus de Milo et Olivier Voutier », Paris : Jean-Paul Alaux (Le Galion d'or), 1939
  • « Enlèvement de Vénus » textes de Dumont d'Urville, Marcellus et Olivier Voutier, préface d'Andrea de Lauris, Paris : La Bibliothèque (L'Écrivain voyageur), 1994
  • Greg Curtis, « Disarmed : the story of the Venus de Milo », New York : Alfred A. Knopf, 2003

mise-à-jour : 3 juillet 2008

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