Venise en clair obscur / Gil
Jouanard ; dessins de Jean-Christophe Donnadieu. -
Apt : L'Archange minotaure, 2006. - 62 p. :
ill. ; 25 cm. - (Les Portes clandestines).
ISBN 2-914453-65-5
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c'est
ici le royaume de Neptune et de ses naïades, vouivres et
tritons favoris ;
vous
croyez marcher : ce n'est qu'illusion.
☐ p. 47 |
Un souvenir de Pasolini, à moins que ce ne soit de
Fellini, a guidé Gil Jouanard dans son approche de la
Cité des Eaux, conglomérat
d'îles et d'îlots, terre
meuble, … mouvante, ou rien n'est
stable ; et c'est en tournant le dos aux images construites
pour séduire les touristes, qui trop souvent font
écran, qu'il entrevoit au détour des ruelles et
canaux les forces de vie et de mort toujours à
l'œuvre depuis le marais originel : “ la
fée qui nous attend au fond n'est ni Viviane ni
Mélusine, ni même la cynique Morgane ;
c'est la Vouivre, la Gorgone, la Méduse, la fin de
tout ”.
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Né
le 11 décembre 1937 à Avignon, Gil Jouanard est
mort le
25 mars 2021. Encouragé à ses débuts
par
René Char, Gil Jouanard a notamment
créé les Rencontres
Poétiques de la Chartreuse de
Villeneuve-lès-Avignon.
Informations complémentaires sur le site des
éditions Verdier. |
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EXTRAIT |
D'un revers de main, j'écarte les
frondaisons architecturales pour m'enfoncer dans une jungle fluviale,
dont chaque volute est aussi liane et tentacule, bras de
méduse et chevelure de Pythie, Gorgone et
Mélusine.
C'est l'eau clapotante prise aux rets de la terre,
et qui ne s'échappe que par la stagnation ; l'eau
qui n'atterrit que pour coloniser la terrre et domestiquer le roc.
C'est le territoire du retour éternel
aux origines de notre mémoire d'amphibien. La
fondrière matricielle. Le sas de décompression
entre l'abyssale Atlantide et les ivresses
oxygénées.
Une légère secousse de la
main de Neptune, un coup d'épaule sismique de Vulcain, et
tout ceci retournerait au roseau, à la salicorne,
à l'aster, aux volubilis et à l'euphorbe, sous
l'œil gourmand des foulques, des hérons, des
martins-pêcheurs et des poules d'eau.
Cérès elle-même n'y trouverait rien
à redire ; c'est aussi son domaine.
Plutôt qu'une île, Venise est
un conglomérat d'îles et îlots aux
formes tarabiscotées, qui se lovent les unes dans les
autres, font le dos rond, lascives et compliquées. Et cet
archipel, en mosaïque tient lieu de pendentif au large collier
enrichi de joyaux plus modestes, et ponctué par ce
pectoral : le Lido.
☐ pp. 40-41
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Crépuscule
musical :
Venise » photographies de Colette Bourguignon et
texte de
Gil Jouanard, Trézélan : Filigranes, 1996
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- «
Le Connemara : pays
de l'imaginaire », Martel : Éd.
du Laquet (Terre d'encre), 2002
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mise-à-jour : 29
mars 2021 |
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