Musée d'ombres = Museo d'ombre [texte italien et trad.
française en regard]
/ Gesualdo Bufalino ; traduit de l'italien par
André Lentin
et Stefano Mangano ; préface de Salvatore Silvano
Nigro. -
Paris : Istituto italiano di cultura, 2008. -
194 p. ;
22 cm. - (Cahiers de l'hôtel de Galliffet, XVIII).
ISBN
978-2-9531837-0-2
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… il
m'a semblé facile de pouvoir accorder, à
l'intérieur de moi, la musique célèbre
et quelque
peu effrayante de l'univers, avec celle d'un jet de fontaine dans sa
prison de briques, au centre d'une petite place
méditerranéenne. ☐
p. 27
… la
Sicile, cette difficile Europe. ☐
p. 121 |
Comiso
est une petite ville de la province de Raguse, au sud-est de la
Sicile ; Gesualdo Bufalino y est né en 1920 et y a
résidé jusqu'à sa mort en 1996.
Dans Musée
d'ombres, il
tente de prolonger l'existence d'un monde qui disparaît sous
ses
yeux : « aujourd'hui, peut-être
faut-il les
montrer ces couleurs (…) On y entendra battre le
cœur
d'une inédite Sicile
ionienne … »
(p. 13). Rappel de métiers
disparus, de lieux
d'autrefois, de vieilles
locutions illustrées, de mots et proverbes noirs, de
petites
estampes des années trente, brèves
et amicales épitaphes saluant des visages lointains.
En
regardant derrière lui, en remontant aux éclats
vifs de
l'enfance, « quand chacun de nous, et moi d'abord,
pouvait
encore se croire innocent » (p. 15),
Bufalino ne
cède pas à la nostalgie, mais tente
l'épreuve du
contraste extrême où, dans l'opposition de la
lumière la plus crue et de l'ombre la plus
menaçante
— archétype usé d'une certaine
Sicile —, surgissent les traces de la vie
à
l'œuvre, comme dans ce potager où après
avoir
retourné une pierre il découvre
« un
grouillement de pâles scolopendres (…)
emblême de la
vie de tous, enchanteur et repoussant »
(p. 77).
Sous
ce regard, Comiso et la Sicile s'ouvrent et se déploient aux
dimensions du monde ; la comédie qui s'y joue met
en
scène un « Gulliver
égaré sur une terre
de nains méchants » (p. 169). ❙ | Gesualdo
Bufalino (1921-1996) n'a que rarement quitté sa ville natale de Comiso,
dans le sud de la Sicile, où il fut enseignant. Ce n'est que la
soixantaine venue qu'il publia son premier livre, Le Semeur de peste, qui l'imposa d'emblée comme un grand écrivain. |
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EXTRAIT |
SULITÁ SANTITÁ. Solitude vaut
sainteté.
Isola
più solitudine uguale isolitudine. (…)
— Île
plus solitude égale isolitude. À ce mot
inexistant il m'a
toujours plu de recourir afin de rendre le sentiment qu'ont les
Siciliens de leur propre existence. Seuls dans les ardeurs de juillet
quand on n'entend plus qu'une cigale qui se
déchaîne dans
l'immobilité de la plaine et que l'intendant du domaine,
à cheval, fusil en bandoulière, surgissant
à
l'horizon, non pas tant semble être sorti des
stéréotypies d'un film ou d'un livre que
précéder, porte-étendard, une horde de
corpulents
fantômes … Seuls sur une terre qui, on en
a beau en
faire le tour, quelque direction qu'on prenne, se termine toujours
contre une barrière de mer ; une terre aux boyaux
de lave,
ballottée sur les eaux comme une balancelle
trouée, plus
qu'aucune autre disposée aux naufrages, aux
catastrophes … Seuls, enfin, dans un lit :
ne
rêvant de personne, dont personne ne
rêve … La
solitude aura alors la double destinée d'être
tantôt
vécue comme un stigmate, tantôt vantée
comme un
blason, suivant que le rebut obéisse à une
urgence de
commerce et d'amitié, de compagnie ou bien, en un sursaut
d'orgueil, qu'il se ceigne, entre les quatre murs de sa
tanière,
de la couronne de saint et de Seigneur Dieu.
☐ Mots et proverbes noirs, p. 137 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Museo
d'ombre », Palermo : Sellerio, 1982
- « Museo
d'ombre » fotografie di Giuseppe Leone,
Milano : Bompiani, 1993, 2000
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- « Argos
l'Aveugle ou les songes de la mémoire »,
Paris : L'Âge d'homme, 1988
- « Calendes grecques,
souvenirs d'une vie imaginaire »,
Lagrasse : Verdier (Terra d'altri), 2000
- « Cires
perdues », Paris : Julliard, 1991
- « Dialogue
d'un prince des démons et d'un
archange », Nancy : Estocade, 1997
- « La
lumière et le deuil », Paris :
Julliard, 1991
- « Le
miel amer / L'amaro miele », Coaraze :
L'Amourier, 2006
- « Le
semeur de peste », Paris : L'Âge
d'homme, 1985 ; Christian Bourgois (10/18, 2036), 1989
- « Le
voleur de souvenirs », Paris : Julliard,
1988
- « Les
mensonges de la nuit », Paris : Julliard,
1989 ; Presses pocket (Presses pocket, 3498), 1990 ; Cambourakis, 2019
- « Qui
pro quo », Paris : Julliard, 1993
- « Tommaso et le photographe aveugle ou
Patatras », Lagrasse : Verdier
(Terra d'altri), 1998
|
- Flaviano Pisanelli, « La Sicile au miroir : Leonardo Sciascia et Gesualdo Bufalino », in L'insularité, études
rassemblées par Mustapha Trabelsi, Clermont-Ferrand : Presses
universitaires Blaise Pascal, 2005 (pp. 467-488)
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mise-à-jour : 5 septembre 2019 |
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