Le
théâtre et son double [suivi du]
Théâtre de
Séraphin / Antonin Artaud. - Paris : Gallimard,
1974. -
246 p. ; 18 cm. - (Idées, 114).
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Jamais,
quand c'est la vie elle-même qui s'en va, on n'a autant
parlé de civilisation et de culture. Et il y a un
étrange
parallélisme entre cet effondrement
généralisé de la vie qui est
à la base de
la démoralisation actuelle et le souci d'une culture qui n'a
jamais coïncidé avec la vie, et qui est faite pour
régenter la vie.
☐ Préface :
Le
Théâtre et la culture, p. 9 |
En 1720, le Grand Saint
Antoine
navire chargé de coton acheté en Syrie tente de
faire
escale à Cagliari sur la route de Marseille où il
doit
livrer sa cargaison. Mais la nuit précédente le
vice-roi
de Sardaigne a fait un cauchemar dans lequel la peste ravage
l'île ; au réveil apprenant qu'un navire
attend son
autorisation pour entrer dans le port, il s'y oppose avec vigueur et,
contre tous les usages, menace de faire tirer le canon si le navire
tardait à s'éloigner. De fait, la peste se
déclare
à Marseille peu après le débarquement
de
l'équipage et de la cargaison du Grand Saint Antoine ;
les victimes se compteront par dizaines de milliers.
Artaud invite à
penser que, si dans son sommeil le vice-roi de Sardaigne a
véritablement senti
passer la peste à quelques encablures des côtes de
l'île, c'est que le vecteur du fléau n'est pas
exclusivement physiologique, que son principe morbide plus large prend
sa source dans l'âme des sociétés
où, en
retour, il exerce ses effets. Après une description
hallucinée des ravages de la maladie, de ses effets sur les
corps et sur les esprits, Artaud s'appuie sur Saint Augustin et La Cité de Dieu
pour suggérer l'idée d'une éruption
cathartique,
en tout point comparable à celle que peut
déchaîner
le théâtre qu'il appelle de ses
vœux : “ Saint Augustin (…) accuse [une]
similitude d'action
entre la peste qui tue sans détruire d'organes et le
théâtre qui, sans tuer, provoque dans l'esprit non
seulement d'un individu, mais d'un peuple, les plus
mystérieuses
altérations ” (pp. 35-36).
La suite
du
recueil approfondit, développe et enrichit cette
première
approche, grâce notamment à la
découverte du
théâtre balinais, lors des
représentations de la
troupe de Peliatan à l'Exposition coloniale internationale
de
1931.
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EXTRAIT |
Le Grand-Saint-Antoine qui
passe à une portée de voix de Cagliari, en
Sardaigne, n'y
dépose point la peste, mais le vice-roi en recueille en
rêve certaines émanations ; car on ne
peut nier
qu'entre la peste et lui ne se soit établie une
communication
pondérable, quoique subtile, et il est trop facile d'accuser
dans la communication d'une maladie pareille, la contagion par simple
contact.
Mais
ces relations entre Saint-Rémys et la peste, assez fortes
pour
se libérer en images dans son rêve, ne sont tout
de
même pas assez fortes pour faire apparaître en lui
la
maladie.
Quoi
qu'il en soit, la ville de Cagliari, apprenant quelques temps
après que le navire chassé de ses côtes
par la
volonté despotique du prince miraculeusement
éclairé, était à l'origine
de la grande
épidémie de Marseille, recueillit le fait dans
ses
archives, où n'importe qui peut la retrouver.
☐ p. 22 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Le
théâtre de la peste », La Nouvelle Revue
Française, 253, 1er
octobre 1934
- « Le
théâtre et son double »,
Paris : Gallimard (Métamorphoses,
4), 1938
- «
Le théâtre et son double [suivi du]
Théâtre
de Séraphin », Paris : Gallimard
(Folio-Essais,
14), 1994
- « Le
théâtre et son double » in Œuvres
éd. établie, présentée et
annotée
par Evelyne Grossman, Paris : Gallimard (Quarto), 2004
- « Le théâtre et son double [suivi du]
Théâtre
de Séraphin », Paris : Payot & Rivages (Petite bibiothèque Payot, 1083), 2019
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îles face au risque épidémique |
- Philippe
Brillet, « La dynamique du VIH aux Antilles : relais
épidémiologiques et réseaux de lutte »
in Nathalie Bernardi et François Taglioni (dir.), Les dynamiques contemporaines des petits espaces insulaires, Paris : Karthala (Hommes et sociétés), 2005
- Jim
Downs, « Les origines troubles de
l'épidémiologie : comment le colonialisme a
transformé la médecine », Paris : Autrement,
2022
- Paul Farmer, « AIDS & accusation : Haiti and the geography of blame », Berkeley : University of California press, 2006
- Eric Fougère, « Les Îles malades : léproseries et lazarets de Nouvelle-Calédonie, Guyane et Guadeloupe », Paris : Classiques Garnier, 2018
- Beate Kiehn,
« Histoire
du lazaret d'Aspretto à Ajaccio : d'une quarantaine
à l'autre », Alata :
Colonna éditions, Ajaccio : Association le Lazaret
Ollandini, 2008
- J.M.G. Le Clézio, « La quarantaine », Paris : Gallimard, 1995
- Jack London, « L'île des lépreux » in Romans maritimes et exotiques éd. et présentés par Francis Lacassin, Paris : Robert Laffont (Bouquins), 1984
- Somerset Maugham, « Le fléau de Dieu » in La femme dans la jungle, Paris : 10/18, 1997
- Renaud
Piarroux, « Choléra : Haïti 2010-2018,
histoire d'un désastre », Paris : CNRS
Éditions (Biblis, 256), 2022
- Riccardo Pineri (dir.), « L'épidémie dans la littératures et les arts », Confluences Océanes, 1, Papeete, 2022
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mise-à-jour : 6 octobre 2022 |
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