Des
milliers d'années / Giulio Angioni ; trad. de
l'italien par
Denitza Bantcheva. - Paris : Ed. du Revif, 2008. -
167 p. ; 19 cm.
ISBN
978-2-952-59608-4
|
|
(tous
ces âges perdus à strates sous nos pieds) |
Exposée à la convoitise des puissances bordant la
Méditerranée, la Sardaigne a subi, au long de milliers d'années,
incursions ou invasions venues de Carthage, Rome, Pise, Barcelone,
… chaque vague laissant, au reflux, une strate
indélébile — empreinte de sang et
d'injustice, inextricablement mêlée
aujourd'hui aux
vestiges archéologiques et aux récits populaires.
Giulio
Angioni enseigne l'anthropologie culturelle à
l'université de Cagliari ; il est
également
romancier. En brassant les siècles d'une histoire
tourmentée, il creuse une réflexion où
se
brouillent les notions les plus communément admises sur
l'écoulement du temps — l'un des
récits a pour
titre Des temps de
confusion.
Mais
à rapprocher dans une même perspective temps immémoriaux et temps jadis qui se sont
achevés pas plus tard qu'hier soir, ce
sont par contagion toutes les certitudes qui banalisent l'existence et
la rendent en apparence supportable qui sont frappées de
doute : que penser de cette flotte de trois bateaux suivant,
en
1492, « quelque trajet bizarre, buscando el levante per el
poniente … » ?
que penser du « bersaglier Giobbe Pes, fils du
cordonnier du
Castello » apprenant de la bouche de monseigneur qu'il
appartient à une longue lignée de marranes, « c'est-à-dire
faux chrétiens et vrais juifs. Ou peut-être
l'inverse. Ou
les deux à la fois » ?
Temps,
espace,
religion, langue : l'entreprise de déconstruction est
menée avec rigueur. Le parcours s'achève au bord
du vide,
quand l'aube
approche :
« les premiers éclats du soleil font
scintiller la
poussière en tourbillons de lumière sous un ciel
limpide
et profond. Aujourd'hui, on peut voir la mer d'ici ».
|
EXTRAIT |
Mais
à moi, (…) don Agostino Deliperi m'a tout
montré,
me faisant rebrousser chemin jusqu'au début de l'histoire de
Fraus, puis dans la préhistoire, toujours plus loin en
arrière, dans les replis des temps immémoriaux.
Il m'a même parlé d'une autre
institution
muséale de Fraus : le musée de la
culture paysanne,
à deux pas d'ici, privé lui aussi. C'est Brunello
Arrù, un muséographe du cru, qui l'a
créé,
par nostalgie des temps jadis qui se sont achevés pas plus
tard
qu'hier soir, mais qui semblent finis depuis des
millénaires : — Ce n'est pas
grand chose, dit
don Agostino au sujet de cette collection d'antiquailles
rustiques : des charrues, des chariots, des faux, des jougs,
des
pioches, des clochettes à bœufs, des clochettes
à
brebis et à chèvres, des harnais de
bêtes de
trait …
Je suis allé voir la collection nostalgique
d'Antonello Arrù, Sa domu
nostra,
Musée de la civilisation paysanne. J'ai eu l'impression que
c'était là le musée de mon enfance
frausienne
— toutefois plus proche des temps nuragiques de don
Agostino
Deliperi que des jours où nous vivons ces derniers temps.
☐ p. 107 |
|
COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Mill'antanni »,
Nuoro : Il Maestrale, 2000
|
- « L'or sarde »,
Paris : Métailié, 2003
- «
À la face du monde », Lyon : La
Fosse aux ours, 2017
|
|
|
mise-à-jour : 31
mai 2017 |
Giulio
Angioni, né à Guasila (Sardaigne) en
1939, est mort à Cagliari le 12 janvier 2017. |
|
|
|
|