Le
café du coin / Sait Faik Abasiyanik ; trad. du turc
par
Rosie Pinhas-Delpuech ; préface par Enis
Batur ;
postface par Elif Deniz et Pierre Vincent. - Saint
Pourçain-sur-Sioule : Bleu autour, 2013. -
189 p. ; 22 cm. - (D'un Lieu l'autre).
ISBN
978-2-358480-45-1
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Sait
n'écrit pas ses nouvelles humanistes empreintes d'une douce
tristesse, il les vit.
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Yaşar Kemal,
cité par Elif Deniz et Pierre Vincent : Postface,
p. 184 |
Sait
Faik Abasiyanik — ou, pour respecter l'alphabet
turc, Sait
Faik Abasıyanık — est né en 1906
à Adapazarı
dans la région de Marmara en Turquie ;
après
l'université, il séjourne un temps à
Lausanne puis
à Grenoble, mais ne quittera plus son pays natal
après
1934. En 1936, sa famille acquiert une maison à Burgaz l'une
des
îles des Princes au large d'Istanbul ; il y demeure
jusqu'au terme de son existence, effectuant d'incessants va et vient
entre l'île et la proche métropole. La
préface
d'Eniz Batur dresse un attachant portrait de Sait Faik, l'insulaire, qui
avait choisi de partager son existence “ entre deux
îles qui, de son vivant comme aujourd'hui, sont deux
pôles
opposés ” : l'une, Burgaz et la
seconde, “ l'artère de Beyoğlu au
cœur
de la rive
européenne d'Istanbul, avec ses bars, ses bordels, ses
pâtisseries et restaurants, ses hôtels minables et
luxueux,
ses immeubles de bureaux ”.
Les
nouvelles
réunies dans “ Le café du
coin ”
semblent tirées du journal intime de ce flâneur en
perpétuel transit d'un monde à l'autre, impatient
de
reprendre la mer une fois débarqué : ici
en quête
d'un surcroît d'agitation,
ailleurs aspirant au retrait et au calme ; toujours attentif
aux plus
discrets signes de la vie qui l'entoure.
De riens
glanés au Café
du coin, dans
la rue, à l'embarcadère ou dans la maison
familiale, Sait
Faik Abasıyanık construit une œuvre qui dévoile
la diversité chatoyante d'un monde où l'on
s'interpelle
en turc, en grec ou dans un antique “ jargon
espagnol ” — trame d'une
intimité
partagée dont les échos portent
au-delà d'un
microcosme balancé entre l'île et la ville.
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EXTRAIT |
Le silence de la chambre, la position d'une chaise, le
tic-tac de
la pendule murale me tapent sur les nerfs. Dehors, la neige tombe plus
fort. Par la fenêtre, le paysage est glaçant. J'ai
envie
de faire quelque chose. Mais je sais que je ne pourrai rien faire.
Je
me dis : je saute dans un bateau et je vais en ville. Remplie
d'espoirs, de hasards, de dangers et de tumulte, la ville est un jeu de
bingo pour aventurier que j'ai sous la main. Je plonge la main et tire
le 77, double quine, je tire le 19, bingo !
Je
me trouve exactement à neuf milles de la ville. De l'eau
tout
autour. Il neige tantôt à plus petits flocons,
tantôt à plus gros flocons. Un coq chante, un
enfant
pousse un dindon. On entend une cloche sonner, le bruit lointain d'une
charrette. Et de nouveau le chant du coq.
☐ Pince
à feu et chaise un soir d'hiver, p. 117 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Mahalle
kahvesi », Istanbul : Varlık Yayınları, 1950
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- « Un
homme inutile », Saint
Pourçain-sur-Sioule : Bleu autour (D'un Lieu l'autre),
2007
- « Un
point sur la carte », Leyde :
A. W. Sythoff, 1962 ; Paris : Souffles (Nouvelles en tête), 1988
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mise-à-jour
: 1er
août 2016 |
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Sait Faik Abasıyanık
(photo : Ara Güler) |
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