Pa' Gustav, Z'histoir
chemins de fer et de terre, Z'histoir grand diabl' / Joseph Toussaint.
- Saint-Denis (La Réunion) : ADER, 1996. - 149 p. ;
15 cm. - (Ti Kabar).
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NOTE DE L'ÉDITEUR : Le soir venu, Pa' Gustav,
assis aurpès du fourneau ayant servi à cuire ses
repas, narrait à ceux qui venaient lui tenir compagnie
des histoires que certains appelaient « Z'histoires
Pa' Gustav » et d'autres « Z'histoires
Grand Diable ».
Et là, à la lueur
des braises qui achevaient de s'éteindre, sous le soleil
constellé, au moment où une grosse lune ronde montait
de l'horizon, dans la chaleur estivale, il racontait …
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EXTRAIT |
Armand et Théophile, toujours
poussant leur deux-roues, embouquèrent l'étroite
descente, suivirent le tournant bien accentué, entamèrent
la remontée suivante, et … continuèrent.
Continuèrent-ils vraiment ?
Ou plutôt que se passa-t-il ?
Toujours est-il que, à
peine une minute après, Armand s'arrêta subitement,
et posa la main sur le bras de Théo l'obligeant ainsi,
ou le conseillant, à ne plus avancer.
— Toué l'a rien remarqué ?
demanda-t-il à son ami.
— Non, à cause ?
— A cose ? Voilà une douzaine de fois qu'ni
passe au même endroit ; voilà, mi conné
pas combien d'fois ni tourn' en rond.
— Passer au même endroit, tourner en rond à
Mal-Côté est une chose matériellement impossible
par la disposition des lieux ; à cause de l'abîme
et du précipice les bordant à droite et à
gauche justement.
— Ti rêves, répondit Théo. Nous lé
déjà en retard pour perdr' comme ça l'temps.
Allons viens.
— Si ti vé. N'a rien ouar.
Théo était saoul
de fatigue ; il agissait comme un automate, ne mettant un
pied devant l'autre, ne poussant la bicyclette uniquement pour
s'en sortir, pour arriver à destination ; il ne se
rendait compte de rien pouvant se produire autour d'eux.
Ils reprirent leur chemin.
Au bout de quelques minutes,
Armand, qui était tout yeux, tout oreille, s'arrêta
de nouveau, car il venait de constater que plusieurs fois de
suite ils accomplissaient le même parcours de Mal-Côté,
à savoir la petite pente, le pont, le tournant et la petite
montée.
— Là lé trop
fort, dit-il, à la stupéfaction de son compagnon
qu'il retenait encore une fois. Attends un coup ! M'a engr …
z'ot maman, band de s…, d'enc…, de maq…
Et il jura ainsi. Comme un Réunionnais
sait parfois le faire. Pour cela il est unique au monde quand
il s'y met, et seul, peut-être, l'Espagnol peut le dépasser.
☐ pp. 80-81
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POSTFACE : […]
Ce qui est frappant, c'est le
genre de ce texte inconnu […] : traite-t-il de la vie
quotidienne et laborieuse d'une ville, St Denis, d'une île ?
La Réunion coloniale y est de temps à autres troublée
par les forces obscures, par les vertiges ; et la santé,
c'est d'y échapper, de résister contre les démons.
On peut ne voir là que
la très chrétienne lutte entre le bien et le mal.
On peut y voir aussi le pur fantastique, mais exprimé
à la façon des contes, celui qui s'interpose dans
les limbes de la réalité, dans les interstices
de l'attention, dans les errances des perceptions. L'autre monde
qui est à la fleur du nôtre.
On lira surtout, dans ces courts
textes, la vie des travailleurs : tous les métiers révolus,
ces textes les réunissent autour des moyens de transport :
chemin de fer, charrettes, vélos. Le dernier « transport »
est, celui-là, transport de l'âme, plus fulgurant :
c'est ce « jet » qui propulse la vieille
maudite vers les amygdales en feu de La Fournaise.
Oui, c'est bien l'île créole
dans son étouffante obsession d'importation qui nous abêtit
et nous tue : l'automobile, signe d'égalité
par l'embouteillage, c'était La Réunion créole,
inégalitaire et sous-développée, sans éducation
nationale, ou presque. Les « z'histoires »,
à la fin grimpent jusqu'aux cimes …
Il y a une autre façon
de voir, celle qui souligne que le petit peuple, alors, fréquentant
de façon ambivalente les forces obscures, au fond, par
cette pratique même, les faisait siennes.
Par contre les classes supérieures
avaient le pouvoir économique et l'apanage d'une religion
nettoyée de toutes superstitions, ou se croyant telle.
Chacun ses pouvoirs, ses puissances, ses territoires aussi, ses
paysages choisis. Et pourtant certains mythes locaux les concernaient
tous […].
☐ pp. 147-148
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COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE | - «
Double-Six et Seyé-Guetté, récits réunionnais », Paris : Éd. du
Scorpion, 1964 ; Saint-Denis (La Réunion) : ADER (Voix dans l'océan),
1992
- « Nout ti pei la Reunion dann tan la ger = Nout ti pays la Réunion dans l'temps la guerre », Saint-Denis (La Réunion) : ADER (L'ADER présente, 31), 1982
- « La grande case et la case », Sainte-Clotilde (La Réunion) : Victorin Illa, 1985
- « Salim et Maïthé », Sainte-Clotilde (La Réunion) : Joseph Toussaint, 1988
- « Coco, Suzanne, P'tit Victor et Cie : jeunesse scolaire, 1934-1948 », Sainte-Clotilde (La Réunion) : Victorin Illa, 1990
- « Mahavelona », Saint-Denis (La Réunion) : ADER (Les Classiques populaires de l'océan Indien), 1993
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mise-à-jour : 4 septembre 2017 |
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