8ème
édition du Prix du
Livre Insulaire (Ouessant 2006)
ouvrage
en compétition |
Un archipel dans
mon bain / Jean-Euphèle Milcé. - Orbe : Bernard
Campiche Éditeur, 2006. - 158 p. ; 21 cm.
ISBN 2-88241-174-7
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Jean-Euphèle
Milcé a participé
au 6ème Salon du Livre
Insulaire (Ouessant,
19-22 août 2004)
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D'un bord à l'autre de
l'océan Atlantique, un fil est tendu ; génération
après génération, les membres d'une même
famille s'en emparent comme d'une ligne de vie. Le premier —
l'ancêtre venu de Bretagne —, fortune
faite en Haïti, doit fuir le pays en abandonnant à
vingt pieds sous terre une jarre (plusieurs peut-être)
emplie de pièces et de lingots ; les suivants —
l'arrière-grand-oncle, puis celui qui aurait
pu être le grand-père — partent à
la recherche du trésor mais finissent par l'oublier au
profit d'autres quêtes, happés par d'autres enjeux
ou par le goût du rhum : rien de mieux que la sève
d'une terre chaude et débonnaire, vieillie dans la passion
d'un chêne du Limousin !
Cette histoire, et la honte qui
y colle, sommeille dans la mémoire d'une femme ;
quand son mari est emporté par un cancer, elle se saisit
à nouveau de la ligne tendue vers la pince de crabe,
cette île pas tout-à-fait française. Mais
il arrive que le destin ne radote pas, et le hasard d'une rencontre
de voisinage à Port-au-Prince inversera le cours de la
fatalité familiale : on dirait que le bonheur
tombera dans l'escarcelle des jours à venir …
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EXTRAIT |
Aéroport Toussaint-Louverture.
Vingt heures trente. Des casques bleus, basanés ou bâtards
d'une dizaine de mondes, font semblant d'habiter la routine.
Ils combinent allures militaires et pas de danseurs épuisés
sur une terre craquelée à force de ratures saignantes
tout en arborant un drapeau d'ailleurs à l'épaulette.
L'éclat du confort occidental
recule. Je maudis violemment cet abus flagrant de ma mémoire
encombrée d'une opulence normalisée. Déluge
d'affiches suggérant biens et services. Lumières
à profusion. Croisement des tapis emportant dans tous
les sens indifférence et essouflement. Points de vente
de babioles pour grands moyens jusqu'à l'information la
plus utile. À quoi peut servir le confort d'un aéroport ?
La lumière, sans zèle,
sans démesure de brillance, pas tapageur pour une gourde,
ne traverse pas les murs du bâtiment de l'aéroport.
Dehors s'ouvre la nuit noire. J'enfante d'intentions la ville
cauchemardant, ruminant l'orgie des sécateurs sur les
bourgeons d'espoir qui tentent de pousser. Sans honte !
Entre les deux grands gaillards
venus me récupérer je me paie courageusement la
cinquantaine de mètres annoncés jusqu'à
la voiture. Je cale d'un anéantissement apprêté
par seize heures de voyage. Ma perception détraquée,
en mode gaspillage, invente la peur de millions de mains moulées
dans l'obscurité suspecte. Des millions de mains qui tentent
de me happer, de me rendre l'invitation à offrir mon âme
au mystère.
☐ pp. 92-93
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE
- « L'alphabet
des nuits », Orbe, 2004
- « Habiter désir »,
in Hommage aux lettres d'Haïti,
dossier préparé par Jean-Euphèle Milcé,
La Nouvelle Revue Française, n° 576, janvier
2006
- « L'envers des rives », Port-au-Prince : Presses nationales d'Haïti, 2007
- « Pase m yon kou foli », Port-au-Prince : Près nasyonal d'Ayiti, 2008
- « Après l'urgence, je déménage », in Haïti parmi les vivants, Arles : Actes Sud, Paris : Le Point, 2010
- « Les jardins naissent », Montréal : Coups de tête, 2011
- « Mes chères petites ombres », Port-au-Prince : Barbancourt, 2014
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mise-à-jour : 4 juillet 2014 |
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