Les yeux du
chat / Edith Lataillade ; préface de Marie-Alice
Théard. - Port-au-Prince : Ed. Henri Deschamps, 2001. -
175 p. : ill. ; 22 cm.
ISBN 99935-0-007-0
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KETTLY MARS : Les Yeux du chat
est un recueil de treize nouvelles de longueur inégale.
L'auteur puise son inspiration dans la vie haïtienne. Elle
raconte nos douleurs, nos espoirs, nos doutes, le simple goût
de vivre sur ce bout d'île où les petites joies
et les grands malheurs font notre quotidien.
Mme Lataillade y décrit, par exemple,
la vie précaire des habitants d'une maison squatterisée,
l'angoisse d'une infirmière retraitée dont la nouvelle
solitude est peuplée du souvenir des moribonds qu'elle
a soignés toute sa vie et de ses rêves figés
dans le formol du temps, les incertitudes de l'exil encore présent
dans nos traditions politiques, ou le périple incroyable
de ce Cubain devenu « boat people » malgré
lui, thème qui à lui seul ferait l'objet d'un roman.
Mais ce n'est pas tant les sujets traités
qui retiennent l'intérêt, que la façon de
l'auteur de les peindre par petites touches, par petits coups
de griffes.
☐ 4e de couverture
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EXTRAIT |
Ce
jour paraissait comme les autres, sans promesses. Raimundo se demanda
qui pouvait faire que ce qui est ne fût pas !
Cuba était loin et tout près.
Dans la rue, il cherchait dans ces multiples visages inconnus un air,
un signe qui lui serait rassurant. Il aperçut un homme qui lui
rappela son ami Rodrigo. Le souvenir de Rodrigo lui revint avec force
et vivacité. Rodrigo souriait rarement à cause de ses
dents plantées en zigzag. Il égait un partisan du
régime castriste, et avait été chargé dans
le temps d'apprendre à lire aux jeunes adolescents, et aux
sur-âgés du système déchu.
Rodrigo se préoccupait peu des incidents et privations
imposées par l'idéologie du Parti au pouvoir et croyait
que les discours du « Líder
Máximo » étaient porteurs de secrets et il
s'acharnait à les déchiffrer.
Au fur et à mesure de sa marche, de ses réflexions et de
cette vision de cette ville délabrée, Raimundo en
était arrivé à se persuader que les
idéologies étaient aussi passagères que les
hommes, que c'était peut-être cela l'Histoire, que le
pouvoir n'était qu'une ironie et que même l'essentiel
n'était peut-être pas nécessaire.
Dans sa grande solitude, il lui arriva pour la première fois de
mesurer la médiocrité des ambitions des hommes politiques
et pour une fois, il jugea le monde trop grand pour lui.
☐ Le Cubain (Dixième étape), pp. 97-98 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE
- « L'empreinte des semelles accusatrices », Port-au-Prince : Éditions Henri Deschamps, 2008
- « Les leçons apprises », Port-au-Prince : ETL, 2002
- « Le dernier fil, ou Les sanctions au quotidien », Port-au-Prince : chez l'auteur, 1998
- « Souvenirs imparfaits », Port-au-Prince : Coin de mémoire, 1993
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mise-à-jour : 29 septembre 2014 |
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