Je
n'ai rien à cacher : un peintre et photographe
haïtien
se souvient / Gérald Bloncourt ; propos recueillis
par
Bernard Esposito. - Paris : L'Harmattan, 2015. -
211 p. : ill. ; 24 cm. - (Graveurs
de
mémoire).
ISBN
978-2-343-07394-1
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Un
homme
dans
la violence du temps
☐
André
Laude (cité p. 79) |
La
vie de Gérald Bloncourt s'emballe au sortir de
l'adolescence. Il n'a
pas vingt ans et compte parmi ses amis Jacques Stephen Alexis ou
René Depestre ; il rencontre Pierre Mabille et
André
Breton ; il est de ceux qui, avec Dewitt Peters,
créent le
Centre d'Art qui sort
la peinture haïtienne de la clandestinité ;
enfin, il prend une part déterminante à
l'insurrection qui, du 7 au 12 janvier 1946 — les 5 glorieuses —
provoque la chute du régime et la destitution du
président. Le vent de liberté qui souffle dure
peu et
Gérald Bloncourt doit quitter l'île ; en
France
où il s'installe, il est tour à tour peintre,
graveur,
photographe, poète, historien d'art.
Entre
(auto-)biographie et journal intime, ce bouquet de souvenirs illustre
fidélités et curiosités qui ont
marqué le
parcours de l'auteur. Haïti est toujours au premier
plan :
nostalgie et action — jusqu'à une
grève de la
faim — pour soutenir la cause de la
liberté et
dénoncer, quand nécessaire, les complaisances
françaises pour la dictature.
Tout
aussi fraternels, d'autres combats entrent dans la
lumière : ceux des travailleurs portugais dans les
bidonvilles de la périphérie parisienne, ceux de
leurs
frères luttant contre Salazar jusqu'à la
Révolution des Œillets — Une tempête de joie.
Des vagues d'êtres humains en liesse
(p. 116). Plus tard, dans le désert avec le Front
Polisario, Gérald Bloncourt assiste à
l'arrivée de réfugiés en masse,
observe les camps qu'on
monte à la hâte (p. 163).
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EXTRAIT |
Un jour, un Américain, Dewitt Peters, arrive en
Haïti. C'est un authentique contestataire, puisqu'il a
osé
refusé de partir à la guerre. Les
Américains l'ont
rapidement écarté et envoyé en
Haïti pour y
enseigner l'anglais.
Il
est peintre. Quand il découvre la lumière de ce
pays, il
est tout simplement ébloui. L'éclairage, la
luminosité particulière … les
couleurs … Il décide de
réunir autour de lui
des artistes locaux.
Par le plus grand des hasards, il me contacte !
On est sept à ce moment-là autour de
lui :
dont Albert Mangonès, architecte, peintre, sculpteur,
rénovateur de la citadelle Laferrière
(…), et qui
a réalisé la grande statue du
Nègre-marron sur la
grande place de Port-au-Prince. Cet esclave agenouillé qui
souffle dans un lambi pour appeler à la
révolution … Il y a également
le père
Petersen, et Jo Ramponeau (…). Avec Peters, on fonde le
Centre
d'Art. Nous sommes en 1944.
J'en suis un des membres fondateurs.
Je fais partie du Comité de rédaction.
L'aventure
commence par une grande exposition de ces « peintres
paysans ». Aussitôt c'est un formidable
succès.
(…)
Immédiatement
le Centre est propulsé à l'avant-scène
et est
fréquenté par tous les intellectuels de
l'époque
et notamment par Pierre Mabille. Celui-ci,
échappé de
Guadeloupe avec André Breton et
réfugié en
Haïti (…) devient le « passeur
des livres
interdits » ! Ou du moins de ceux qui ne
circulent pas
officiellement en Haïti.
Tous alors lisent avec gourmandise les grands
poètes du
monde : Pablo Neruda (chilien), Vladimir Maïakovski
(soviétique), Nazim Hikmet (turc), et prennent connaissance
des
théories fondamentales du marxisme. La jeunesse est en
pleine
ébullition. Ça fermente. Ça
bouillonne. Ça
enfle. Ça crée.
☐ pp. 50-51 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- Gérald
Bloncourt,
« Yeto, le palmier des neiges »,
Port-au-Prince : Henri Deschamps ; Paris :
Arcantère, 1991
- Gérald
Bloncourt,
« Le regard engagé : parcours
d'un franc-tireur
de l'image » avec la collaboration de Boris
Dänzer-Kantof, Paris : Bourin, 2004
- Gérald
Bloncourt, « Dialogue au bout des
vagues » préface de Jean-Claude Charles,
Montréal : Mémoire d'encrier, 2008
- Gérald
Bloncourt, « Journal d'un
révolutionnaire »,
Montréal : Mémoire d'encrier, 2013
- Gérald
Bloncourt, « L'œil en
colère : photos,
journalisme et révolution »,
Paris : Lemieux
éditeur (Mundo médias), 2016
- Gérald
Bloncourt, « Un homme peau noire peau
rouge : un homme
de toutes les saisons » préface de Yanick
Lahens,
Montréal : Mémoire d'encrier, 2018
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- Emmanuel Lemieux,
« Bloncourt et les siens : les fantômes du Palais Bourbon », Paris : Piranha, 2022
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le blog de Gérald
Bloncourt |
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mise-à-jour : 4 avril 2022 |
Photographe,
peintre et poète
né à Bainet (Haïti) en 1926
Gérald Bloncourt
est mort à Paris le 29 octobre 2018 |
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