Un
cri Lola / Bonel Auguste. - La Roque d'Anthéron : Vents
d'ailleurs, 2013. - 62 p. ; 21 cm. - (Fragments). ISBN 978-2-36413-026-5
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Roman ?
Poème en prose ? Long monologue d'un homme jeune dont la
vie se partage entre nuits solitaires déchirées de cris
et journées illuminées par la présence de la belle
Lola, qui aime parler d'amour, mais toujours dans la distance avec elle-même (p. 17).
Des cris qui ravagent ses nuits, il
aimerait faire surgir un chant qui puisse égaler ceux des
musiciens, des poètes ou des peintres qu'il admire. Mais
l'élan, la grâce, croit-il, lui font défaut :
“ je ne peux transposer mes cris ni sur la musique, ni sur
la peinture, ni sur la poésie ” (pp. 13-14).
En
contrepoint les instants partagés avec Lola, dans les rues de
Port-au-Prince ou dans sa chambre, sont baignés d'une
lumière diffuse qui estompe les contrastes, apaise les tensions.
Douces et radieuses rencontres que menace le prochain départ de
Lola pour la France où elle doit poursuivre ses études.
Sur
un fil tendu entre détresse et sérénité,
chaos et poésie, Bonel Auguste tresse les brins d'un parcours
d'amour courtois que ponctuent en écho le tambour d'Azor, le
saxophone
de John Coltrane, la voix de Billie Holyday.
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EXTRAITS |
J'entends
souvent en moi des cris de blessures de la mémoire, de ratages,
d'actes ruminés, de solitudes entremêlées dont les
voix ne peuvent s'accorder dans aucune forme de musique. Pour me
débarrasser du brouhaha des vies déglinguées, je
me réfugie dans A love supreme
de John Coltrane où l'on entend aussi des cris de chairs
pulvérisées, de corps déchiquetés, de
moelles qui virent aux multiples couleurs du néon avant de
dégouliner sous la décharge électrique. Cris de
fruits étranges, cris de fond de cale. Je me console qu'il soit
habité de cris comme moi. Mais lui, il a le génie de
moudre les siens en architecture sonore délirante, majestueuse.
☐ p. 8 | Lola
est longiligne. Allure féline. Elle pose les pieds doucement sur
le sol comme si elle était pieds nus et voulait sentir monter en
elle le soleil tiède que conserve le bitume. Ses pas ont une
odeur suave. Sa nuque est étirée, ses cheveux
coupés court. Quand elle penche la tête, elle a
l'élégance du cygne. Tout est harmonieux en elle. Sa
démarche est aussi souple que son regard, sa voix reflète
la lumière tamisée de sa peau. Ses goûts pour Freud
et l'impressionnisme coulent dans des phrases extrêmement
soignées qui ne débordent jamais, même quand la
conversation devient excitante. Elle me parle tout bas, en étant
indifférente au mouvement lent de la rue éclairée
faiblement d'un bleu délavé.
☐ p. 16 |
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COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE | - « Fas doub lanmò », Port-au-Prince : Mémoire, 2000
- « Fulgurance », Port-au-Prince : Mémoire, 2004
- « Poèmes », in Hommage aux lettres d'Haïti,
dossier préparé par Jean-Euphèle Milcé, La
Nouvelle Revue Française, n° 576, janvier 2006
- « Dève lumineuse », Port-au-Prince : Imprimerie Henri Deschamps, 2007
- « Nan dans fanm », Jérémie (Haïti) : Bas de page, 2012
| Sur le site « île en île » : dossier Bonel Auguste |
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mise-à-jour : 17 septembre 2013 |
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