Au
regard de la postérité, John
La Farge (1835-1910) a eu la malchance de visiter Tahiti
quelques
semaines avant l'arrivée de Paul Gauguin : il s'en
faut de quatre jours qu'ils ne se croisent en rade de Papeete,
l'Américain en route pour les Fidji, le Français
débarquant de la Vire pour son premier
séjour polynésien. Deux hommes si
différents pouvaient-ils se rencontrer ?
James
Yarnall qui, par ailleurs, travaille
à l'établissement du catalogue
raisonné de l'œuvre de La Farge livre ici un
aperçu très complet de son périple
océanien. Le peintre accompagnait son ami Henry Adams qui
voyageait pour tenter de soulager la douleur causée par le
suicide de sa femme. Au départ
de San Francisco, les deux amis s'étaient
arrêtés aux îles Hawaii (septembre
1890), puis aux Samoa (octobre 1890 - janvier 1891), à
Tahiti (du 4 février au 5 juin 1891) et, pour finir, aux
îles Fidji (du 16 juin au 23 juillet 1891).
Si,
dans sa correspondance, Adams n'hésite pas à
faire allusion à la paresse de son compagnon de voyage, la
moisson reste quantitativement appréciable et constitue
aujourd'hui un précieux témoignage sur
l'état des lieux il y a un siècle : les
îles du Pacifique vues par un respectable citoyen de la
côte est des Etats-Unis.
A son
retour, La Farge souhaite montrer son travail à un large
public. En 1895, il expose ses Records of travel
dans la galerie new-yorkaise de Durand-Ruel ; quelques mois
plus tard, grâce à la complicité de
Puvis de Chavannes, il est invité à participer
sur le même thème au fameux Salon.
Cruelle ironie, cette même année, Gauguin avait
sans succès souhaité y montrer son Oviri !
L'exposition
parisienne de John La Farge se solda par un échec. Sa
peinture pourtant n'avait rien pour heurter les goûts et les
habitudes des visiteurs du Salon ;
lui-même était honorablement connu des milieux
artistiques, et aurait du tirer profit de ses bonnes relations avec
Puvis de Chavannes. Le public parisien de l'époque
était-il réfractaire au mirage
océanien ?
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