Je, Gauguin : une
autobiographie imaginaire / Jean-Marie Dallet. - Paris : La
Table ronde, 2003. - 237 p. ; 18 cm. - (La
Petite vermillon, 199).
ISBN 2-7103-2604-3
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Autobiographie imaginaire sous la forme d'un monologue
d'outre-tombe ... Jean-Marie Dallet n'écrit ni en
historien, ni en critique d'art : il conjugue deux
subjectivités, la sienne et celle de Paul Gauguin
à qui il emprunte textes et correspondances —
entre les deux s'établit un accord.
“ D'un bout
à l'autre du livre, on entend deux voix qui n'en font,
inextricablement, qu'une seule. C'est que Dallet, qui courait le risque
de rester enfermé avec ses insatisfaites nostalgies de bout
du monde, a su trouver un accent définitif pour la sienne en
s'identifiant sans réserve à son grand homme.
Aussi Gauguin apparaît-il, à
l'arrière-plan du livre, comme une figure
protectrice : celle d'un homme tenant par la main un enfant
émerveillé qui écoute son
récit, et le guide à travers l'espace aveugle de
l'écriture. ” — Hector Bianciotti
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EXTRAIT |
Le 9 novembre 1893, la foule se presse devant chez
Durand-Ruel, rue Laffitte, et je vais bientôt savoir si mon
séjour à Tahiti fut une folie. À
quatorze heures, les portes s'ouvrent, Paris débarque
à Tahiti, et Paris, en quelques minutes, fait sombrer dix
années d'efforts extrêmes. Il n'y a
qu'à regarder ces visages blêmes, bouffis de
contentement et d'incompréhension, il n'y a qu'à
entendre les ricanements et les exclamations horrifiées
— une Anglaise manque même s'étrangler
d'indignation : What ? a red
dog ... — pour en être
persuadé. S'ils le pouvaient, ils me feraient, dans
l'instant, interner à Charenton ! J'ai perdu. Bien
sûr il y a Vuillard et Bonnard qui débordent
d'admiration, bien sûr il y a Mallarmé et Degas
— Degas qui m'achète encore une toile, toisant les
détracteurs stupides, me serrant la main avec encore plus de
chaleur que d'habitude. Et, lorsqu'il s'apprêtera
à quitter la galerie, je le retiendrai un instant
— Monsieur Degas, vous oubliez votre canne !
— décrochant du mur, pour la lui offrir, l'une de
mes plus belles cannes sculptées : petit geste
fraternel à l'égard d'un homme que j'admire et
à qui je dois tant, même si à
présent tout est perdu. J'exagère ?
Non ! Vraiment tous mes projets sont
ruinés : mon départ pour Tahiti
était une défaite, mon retour l'est aussi,
totale. Cependant je ne dirai rien, souriant à tous et
à chacun, ne montrant ni amertume ni désespoir
à tous ces médiocres incapables de comprendre
— une fois de plus je suis l'Indien qui sourit dans le
supplice !
☐ pp. 192-193
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Je,
Gauguin », Paris : Robert Laffont, 1981
- « Je,
Gauguin », Paris : Presses pocket (Mondes
mystérieux, 2504), 1985
- « Je,
Gauguin » rééd., Paris : La
Table ronde (La Petite vermillon), 2017
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- Paul
Gauguin, « Avant et après »
préface de
Jean-Marie Dallet, Paris : La Table ronde (La Petite vermillon), 2017
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- Jean-Marie Dallet, « Gauguin
ou l'Atelier du Tropique », Paris :
Éd. Saint Germain des Prés, 1976
- Jean-Marie Dallet, « Tahiti
Jim », Paris : Robert Laffont, 1979, 1992
- Jean-Marie Dallet, « Au plus loin du tropique »,
Paris : Ed. du Sonneur, 2006
- Jean-Marie Dallet, « Pontmaudit,
ou les chemins de la haute mer », Monaco :
Ed. du Rocher, 2006
- Jean-Marie Dallet, « De pareils tigres »,
Paris : Ed. du Sonneur, 2010
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mise-à-jour : 31
août 2017 |
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