Quant au livre :
triptyque en l'honneur de Gauguin / Michel Butor. - Paris :
Éd. de la Bibliothèque nationale de France, 2000.
- 47 p. : ill. ; 21 cm. -
(Conférences del Duca).
ISBN 2-7177-2111-8
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En installant son
œuvre au cœur d'une civilisation de la parole et du
signe, soumise par la colonisation et
— précisément —
par l'introduction du livre à une véritable
inversion de ses valeurs, Gauguin brise des barrières, ouvre
des horizons, libère des énergies en vue d'un
renouveau dans l'expression artistique et culturelle.
Organisées en “ tryptique ”, les
conférences prononcées en mars 1999 à
Paris par Michel Butor mettent en lumière cet apport
déterminant où le retrait de Gauguin trouve enfin
son véritable sens — non plus un
détachement ou un repli, mais la quête des
ressources nécessaires à la relance de l'effort
commun. Ce parcours suit les étapes
suggérées par la grande toile de Boston, au prix
d'un léger infléchissement :
D'où
venons-nous ?
Où sommes-nous ?
Où allons-nous ?
Michel Butor y convoque ceux
qui, directement ou indirectement, ont pressenti, accompagné
ou poursuivi l'effort du peintre : Loti, Mallarmé
ou Segalen entre autres.
“ Que la
plupart des livres qui encombrent nos rayonnages soient aujourd'hui
condamnés, je crois que nul ne s'en plaindra, mais plus nous
avancerons dans la conquête de nouveaux territoires, plus
nous aurons besoin de nous confronter aux anciens, donc non seulement
aux formes de communication dont nous avions l'habitude, mais
à celles que nous avons oubliées et qui se
réveillent dans le vrombissement de nos appareils en
attendant que ceux-ci retrouvent les vertus du
silence ”. C'est l'une des leçons
incontestables de la retraite de Gauguin aux
antipodes.
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EXTRAIT |
Dans Noa Noa, Gauguin parle
longuement de [Vairumati, l'une des figures de la grande toile], ce qui
montre bien que ce livre en est le complément essentiel.
Cette femme est à l'origine de la secte des Areoi dont
Segalen nous a parlé, sorte d'église
indigène gardienne du texte antérieur au livre.
“ Ora, fils de Ta'aroa et,
après son père, le plus grand des dieux,
résolut un jour de se choisir une compagne parmi les
mortelles. Il la voulait vierge et belle, ayant dessein de fonder avec
elle, dans la foule des hommes, une race supérieure
à toutes et
privilégiée. ”
Après de longues recherches il la
découvre enfin :
“ Elle était de
haute stature et le feu du soleil brillait dans l'or de sa chair tandis
que tous les mystères de l'amour sommeillaient dans la nuit
de ses cheveux. ”
Elle donnera naissance à un fils,
fondateur de cette congrégation, qui aurait pu progresser si
la rencontre avec l'Occident s'était faite autrement, et qui
permet à Gauguin d'imaginer une humanité
différente.
Le texte non livresque de la toile a besoin pour
vivre et se perpétuer des tresses que constituent les pages
de Noa Noa et de tous les livres auxquels on ne
peut renoncer. Il s'agit donc pour Gauguin de “ retouraniser ” l'expression, de
réintégrer au livre actuel les prestiges non
seulement de l'illustration au sens habituel mais de tout ce qui est
pictographique, et de tous les objets significatifs,
précurseurs ou accompagnateurs de nos livres.
☐ pp. 43-44
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- Michel Butor, « Les
trois questions de Gauguin », in : Riccardo
Pineri (éd.), Paul
Gauguin, héritage et confrontation,
Actes du colloque organisé par l'Université de la
Polynésie française les 6, 7 et 8 mars 2003,
Papeete : Le Motu, 2003
- Michel Butor, « Le musée imaginaire : 105 œuvres
décisives de la peinture occidentale » pour et avec Lucien Giraudo,
Paris : Flammarion, 2019
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mise-à-jour : 16 décembre 2019 |
Michel Butor,
né près de Lille en 1926,
est mort le 24 août 2016 en Haute-Savoie |
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