Traversée,
Journal / Isabelle Pivert. - Bordeaux : Ed. Dufourg-Tandrup,
1995.
- 95 p. : ill. ; 20 cm.
ISBN 2-9505919-4-9
|
|
“ Equinoxe d'une heure entre la Terre et l'homme ”
☐ Saint-John
Perse, cité
en épigraphe |
À
l'approche de l'hiver, une jeune femme embarque à Cannes
pour
Fort-de-France en Martinique sur un voilier de quatorze
mètres
— Je
décidais de me rendre sur l'Océan, le temps d'une
traversée à la voile
(p. 9). À bord de Libra, cinq autres
équipiers : le skipper et quatre marins
réunis par l'occasion.
En
Méditerranée, quelques îles
aperçues
à l'horizon jalonnent l'arrachement au mode de vie des
terriens : Porquerolles qui tient lieu de marque de
départ,
plus loin Majorque qui apparaît
en ombre chinoise puis Ibiza devinée, et la mer
étend son emprise — archipel de crêtes
bleues annelées d'or qui grandissent et s'affaissent
(p. 25).
Libra
relâche à Tangers avant de prendre le cap des
Canaries.
L'escale à Ténérife commence dans un
décor
de cauchemar, le long de quais où la lumière
orangée éclaire des alignements de
containers :
c'est l'horreur d'un port industriel, immense, laid, désert
dans la nuit (p. 47). La marina qui suit est
à peine plus accueillante ; plus tard enfin, le port de pêche de
Candelaria jette aux yeux éblouis sa petite anse toute bleue
(p. 48).
Quelques
jours plus tard commence vraiment la traversée. Les
alizés sont lents à s'établir, les
vents souvent contraires, les grains fréquents et violents, les nuits
striées d'éclairs …
À bord les
tensions et contrariétés ne manquent pas, mais la
discipline naturelle des quarts à respecter maintient un
équilibre précaire entre équipiers.
L'épreuve affrontée sans feinte et sans recul
— quitte
à se brûler la main
(p. 84) — enrichit : moments de
pur bonheur
à glisser au fil de l'eau, découverte du ciel,
apprentissage du sextant. Jusqu'à cette
révélation, à l'approche de la
Martinique : Je
commence à exister devant l'Océan (p. 94).
|
EXTRAIT |
Samedi 22
décembre, vers 8 heures.
[…]
Je
rêve cette nuit, non d'un marin perdu dans une île
lointaine, qui, ne pouvant rentrer dans son pays, s'en crée
un
de songe, puis se lassant un jour de rêver, se rend compte
qu'il
a oublié sa vie et son pays réels, et qu'il s'est
incarné dans son rêve …, non,
je ne rêve
pas cela, je rêve seulement d'une île inconnue, je
commence
à la voir quand le jour se lève, trop
tôt, sur un
Océan vide :
Je
sais une île que j'ai rêvée cette
nuit-là
où, allongée sur le dos d'un Océan
cultivant son
corps de vagues, je dormais sous l'arc de la sphère en bois
noué d'étoiles et de nuages, et dans la corde
était l'horizon circulaire.
Cette île, comment la
décrire sur une carte plane ? Ce serait la
décrier, la décréer.
Mais depuis le cyclone, il n'y a
plus rien disait le Capitaine.
Je
la voyais pourtant là, vert échevelé,
rouge
ruisselant d'une beauté qui m'étranglait le
ventre.
Au
centre de l'Océan gris, les palmiers se mêlaient
aux
lianes et les lianes aux reflets de la pluie dans la lumière
pourpre du soleil couchant.
Le ciel était l'ombre
de la mer, l'air était en suspension, l'orage venait de
s'enfuir …
Je sais une île que
j'ai rêvée une nuit sous l'emprise de
l'Atlantique …
☐ pp. 84-85 |
|
COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
Isabelle Pivert a fondé en 2003 les éditions
du Sextant qui publient des livres pour comprendre le monde,
se situer, et tracer son propre chemin.
Le catalogue fait une place de choix aux écrivains et
penseurs
libertaires et anarchistes — parmi lesquels Jean
Grave,
Pierre Kropotkine ou Elisée Reclus.
|
|
|
mise-à-jour : 4
décembre 2017 |
|
|
|