Pétales,
et autres histoires embarrassantes / Guadalupe Nettel ; trad. de
l'espagnol (Mexique) par Delphine Valentin. - Arles : Actes sud,
2009. - 141 p. ; 19 cm. ISBN 978-2-7427-8218-5
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| … mais, tout juste sur le seuil, le paradis me fit peur.
p. 81 |
Déterminée à goûter les bienfaits de la Véritable Solitude, une
jeune fille décide de se joindre à sa tante et au
compagnon de celle-ci qui vont passer leurs vacances sur une île
au large des côtes du Mexique, pensant qu'une fois dans
l'île, « tout serait réellement facile, qu'il
suffirait d'attendre, de se concentrer sur l'interminable bande de
sable et que le paradis viendrait tout seul [l'] envelopper de son
silence ».
Aux premiers temps du séjour, c'est
la présence de la tante et de Toño — que la
jeune fille consent à appeler
« tonton » — qui constitue l'obstacle
majeur à la réalisation du projet. Puis les
éléments — pluie et vent — se
déchaînent. La quête de la Véritable Solitude semble
alors se muer en un long et difficile cheminement où l'irruption
d'une jeune étrangère fait figure d'ultime obstacle.
Mais
à défaut de trouver son Paradis, la narratrice en saisira
le sombre reflet dans le regard de l'étrangère qu'une
nouvelle funeste appelle à quitter l'île.
❙ Guadalupe Nettel
est née à Mexico en 1973. Elle collabore à
différentes revues et suppléments littéraires et
est l'auteur de deux recueils de nouvelles et d'un roman : L'Hôte (Actes Sud, 2006). Pétales a obtenu au Mexique les prix Gilberto Owen et Antonin Artaud.
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EXTRAIT |
Presque
tous les matins, très tôt, j'attendais le bateau sur le
quai, je sondais la vague odeur de carburant et de fruits de mer, pour
savoir comment serait la journée. Observer la mer un long moment
faisait naître en moi du dégoût, je pensais
inévitablement aux cours de biologie, aux mains amphibies de
l'institutrice expliquant le cycle de la vie, et à tous ces
poissons se reproduisant si près de moi, dans un bouillon
tiède et salé. Est-ce que Clara et Toño avaient
l'intention de se reproduire un jour ? Plusieurs nuits, je les
avais aperçus en train de s'embrasser sur le pas de la porte,
d'où l'on pouvait voir la lune noyée dans l'eau ;
mais je ne pensais pas qu'ils en arriveraient là, et de toute
façon, si cela se produisait, je cesserais d'appeler le petit
ami de Clara « tonton ». La seule manière
de me préserver, d'éviter d'être comme eux,
était de me concentrer sur la quête de mon paradis.
« Je dois me détacher de tout, me disais-je,
abandonner tous les souvenirs de la ville dans le paysage de cette
île. » Mais la Véritable Solitude arriva
cachée dans un canot, et ne manifesta sa présence
qu'après plusieurs jours passés sur notre plage.
☐ pp. 70-71 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE
- « Pétalos y otras historias incómodas », Barcelona : Anagrama, 2007
- « L'autre côté du quai » trad. par Marianne Millon, in : Les jours fossiles, Paris : L'Éclose, 2002
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mise-à-jour : 23 mars 2009 |
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