La
Ridondaine : avec Kerguelen et la belle Louison / Guillemette
Marrier ; préface de Roger Vercel ;
dessins d'Etienne
Blandin. - Paris : Plon, 1945. - V-246 p. :
ill. ;
19 cm.
|
Bon
navigateur comme en témoigne sa campagne vers l'Islande,
Kerguelen ambitionnait de découvrir
l'hypothétique Terra
Australis Incognita
et d'y proclamer la souveraineté française
— espérant ainsi trouver la gloire et
gagner la
reconnaissance du pouvoir. Fondé sur des
spéculations
hasardeuses, un rêve aussi démesuré,
n'était
pas sans risques nautiques et, surtout, humains. À la
première tentative, une terre apparaît
à l'horizon
mais, laissant à d'autres le soin d'y prendre pied,
Kerguelen
fait aussitôt route vers la France et … Versailles,
pour crier victoire et solliciter de nouvelles instructions. Il peut
reprendre la mer en 1773, avec des objectifs
précis : “ En partant de l'Ile de France, le sieur de
Kerguelen
dirigera sa route pour se rendre aux terres qu'il a
découvertes.
(…) Il pourra former un établissement s'il le
juge
convenable, et, dans ce cas, (…) en prendra possession au
nom de
Sa Majesté (…). Il suivra les contours du
continent
austral pour connaître l'étendue des mers
navigables qui
séparent ce continent des autres terres connues. Il
parcourra et
fixera les points des antipodes de Paris, de Londres, Amsterdam et
même de Stockholm et de Pétersbourg
(…).
Tâcher, aux antipodes de Paris, de découvrir une
terre
pour y rectifier son point et y faire de l'eau et du bois
(…).
Traiter avec la plus grande douceur les habitants qu'il pourra
rencontrer et n'employer la force qu'à la
dernière
extrémité ”.
Aussi
décevante
dans ses résultats que la précédente,
l'aventure
sera cette fois rigoureusement sanctionnée par un conseil de
guerre. Les éléments retenus à charge
contre
Kerguelen sont précisément connus ;
Guillemette
Marrier leur apporte consistance et couleurs en construisant son
récit autour d'extraits de la correspondance et du journal
de son
ancêtre Jacques-Marie Marrier de la Gatinerie
embarqué
sous les ordres de Kerguelen en qualité
d'ingénieur
constructeur de la marine. Exalté par l'appel de terres et
de
mers inconnues, le jeune officier ne cache pas la déception
croissante que font naître en lui les errements de son
commandant : l'acharnement qu'il met à faire
prévaloir en toutes circonstances ses
intérêts
matériels sur ceux de la mission, ses abus
d'autorité et
le peu de soin qu'il porte à un équipage soumis
à
des conditions extrêmes, son caractère agressif et
inconstant, son sens marin régulièrement pris en
défaut et ses fréquentes dérobades
face au danger.
Le
succès aurait pu faire oublier ces griefs, mais le
ressentiment
s'accroît quand ordre est donné, après
des semaines
de valse hésitation dans les houles monstrueuses 1
qui se déchaînent aux abords de l'archipel, de
faire voile
au nord vers Madagascar. L'idée s'impose alors que la
campagne
s'était engagée sous une mauvaise
étoile — que symbolise la présence à bord d'une jeune, et
semble-t-il accorte, passagère clandestine, Louison (Louise
Seguin) vouée au plaisir du seul maître
à bord. Du
début à la fin de la désastreuse
expédition, la présence de Louison ne cesse
d'attiser les
tensions au sein de l'équipage, constituant “ une des
principales causes des désordres qui ont
régné
dans (le) vaisseau ” 2.
Justifié d'un strict point de vue technique, ce regard passe
sous silence l'épreuve vécue par une jeune fille
dénuée au préalable de toute
expérience
marine, la première à avoir
éprouvé les
dangers de la mer sous les latitudes inhospitalières de
l'archipel des Kerguelen. On rapporte qu'à son retour en
Bretagne, Louison fut abandonnée dans un couvent.
1. |
Pour caractériser ce furieux tumulte
les matelots disaient la
Ridondaine, du nom d'une danse de l'époque. |
2. |
Jugement du Conseil de guerre tenu à
Brest le 15 mai 1775, cité p. 231. |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
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mise-à-jour : 10
mai 2010 |
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