Le
roman maritime : émergence d'un genre en Occident /
Odile
Gannier. - Paris : Presses de l'université
Paris-Sorbonne,
2011. - 611 p. ; 24 cm. - (Imago mundi, 19).
ISBN
978-2-84050-652-2
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Celle
qui tient lieu de toute théorie : la lourde voix de
la mer.
☐ Boris
Gamaleya, L'Île
du Tsarévitch (cité
en épigraphe, p. 489) |
Qu'il
existe un grand nombre de lecteurs assidus de romans maritimes
est le premier constat à porter au crédit
du genre, quand certains critiques sont
tentés de n'y voir qu'une simple variante du roman
d'aventures
— variante ou
« sous-genre » dont la
« seule caractéristique
propre » serait de
« se dérouler en mer »
(p. 16) ;
Théophile Gautier s'était montré plus
restrictif
encore, en
1836 : « je ne crois pas qu'il puisse y
avoir une
littérature proprement dite maritime ; c'est une
spécialité beaucoup trop étroite,
quoiqu'elle ait,
au premier aspect, un faux air de largeur et
d'immensité » (cité
p. 528). Odile
Gannier ne partage pas ce point de vue et s'est employée
à soutenir l'existence d'un genre dont elle
éclaire l'émergence
en Occident.
En
mer, routine et discipline sont gages de survie. La navigation impose
donc au marin une relation empreinte de rigueur et de
sobriété : c'est le journal de bord. « Son
style ? » demande Diderot,
« sans
apprêt, le ton de la chose ; de la
simplicité et de
la clarté » (Supplément au
voyage de Bougainville, cité
p. 479). A l'inverse, l'écrivain
embarqué qui n'a
succombé ni à « la
mélancolie des
paquebots » (Flaubert, L'éducation
sentimentale,
III, 6), ni à la peur, ni plus prosaïquement au mal
de mer,
peut transcrire sur le mode poétique ou philosophique les
impressions reçues au spectacle d'une nature qui ne lui est
pas
familière, mais trouvera-t-il la matière d'une
intrigue
romanesque dans l'espace clos du navire régi par les
exigences
strictes du métier ? ou dans l'attente d'un
ailleurs qui ne
cesse de se dérober derrière l'horizon ?
Pourtant
entre la mesure du bord et la démesure des
éléments, le journal de bord offre une
issue ; on y
trouve en effet une colonne réservée aux
événements
remarquables, qui
sont une « mine potentielle pour
l'écrivain : c'est
là que l'inattendu se glisse »
(p. 481). L'événement
remarquable
peut être la rencontre imprévue d'un navire
ennemi,
l'apparition d'une île à l'horizon
— « le rêve de tous les
découvreurs »
(p. 243) —, une
mutinerie, une avarie assez grave pour rendre probable
l'hypothèse d'un naufrage ou toute autre fortune de mer.
Les
ressorts romanesques propres au monde maritime ne manquent donc pas,
suscitant une infinité de variations, de combinaisons et de
traitements stylistiques qui sont inventoriés 1,
mis en perspective et abondamment illustrés : James
Fenimore Cooper, Frederick Marryat ou Eugène Sue sont en
première ligne, comme Daniel Defoe, Herman Melville, Robert
Louis Stevenson ou Joseph Conrad, mais le panorama court de
l'antiquité à nos jours, et ne néglige
pas
l'apport des écrivains de l'outre-mer
— Boris
Gamaleya (La Réunion), Nathacha Appanah (Maurice), Edouard
Glissant (Martinique), Derek Walcott (Sainte Lucie), Louis-Philippe
Dalembert (Haïti) et d'autres.
Enfin,
comme pour tout
genre majeur, l'histoire du roman maritime est
périodiquement
secouée par des courants qui en interrogent les
mécanismes comme les visées. Libre cours est
alors
donné à la parodie, à l'ironie,
à
l'excès, au dépassement : Lucien de
Samosate,
Rabelais dans le Quart
Livre, Swift ou, plus près de nous, William
Golding dans sa Trilogie
maritime.
1. |
Le
chapitre 1 de la Deuxième partie propose une
“ typologie du roman maritime et [des] genres
voisins ” : Narration et description, prose
poétique ; Romans historiques ; Romans
éducatifs ; Romans d'aventures ; Romans
baroques ; etc. |
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SOMMAIRE
(résumé) |
Fortune de mer
PREMIÈRE PARTIE
Le Tour d'horizon … La
constitution du genre dans son contexte
- Des
modulations historiques du rapport à la mer :
échos
d'un monde « à part »,
répulsion et
attrait
- Les
contextes historiques et politiques. Lecture géopolitique et
socio-critique
- Marins
et terriens : le point de vue des personnages, des
lecteurs … et des auteurs
DEUXIÈME PARTIE
Petit précis de construction
navale : le jeu des combinaisons
- Typologie
du roman maritime et genres voisins
- Motifs
maritimes
- Les
procédés combinatoires et les mutations
génériques
TROISIÈME PARTIE
« Le chant de l'équipage ». Les formes personnelles du roman maritime
- Les
histoires de marins
- Ruses
et bonnes fortunes du roman maritime. Le modèle du
récit personnel : le journal de bord
- Mythification
du héros et validation du genre :
au-delà du miroir de la mer
Conclusion
Indications bibliographiques
Index
Chronologie indicative |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- Odile Gannier, « Anacaona :
un " secret cheminement du sang " caraïbe
à travers la littérature
haïtienne » in Jean Bernabé et
al. (dir.), Au
Visiteur Lumineux : Mélanges offerts à
Jean Benoist, Petit-Bourg (Guadeloupe) :
Ibis rouge, 2000
- Odile
Gannier, « La littérature de
voyage », Paris : Ellipses, 2001
- Odile
Gannier, « Les
derniers Indiens de la Caraïbe : image, mythe et
réalité », Matoury
(Guyane) : Ibis rouge, 2003
- Odile
Gannier, « Giraudoux-Pacifique »,
in L'insularité,
études rassemblées par Mustapha Trabelsi,
Clermont-Ferrand : Presses universitaires Blaise Pascal, 2005
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mise-à-jour : 27
mars 2012 |
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