Don
Quichotte de la Manche / Miguel de Cervantes ;
édité
et traduit de l'espagnol par Claude Allaigre, Jean Canavaggio et Michel
Moner ; préface de Jean Canavaggio. -
Paris :
Gallimard, 2015. - LI-12608 p. ; 18 cm. -
(La
Pléiade).
ISBN
978-2-07-014958-2
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Combien
heureux et fortuné fut le temps où se
lança dans
le monde le si hardi chevalier don Quichotte de la Manche !
C'est
en effet parce qu'il prit une aussi noble résolution
(…)
que nous jouissons maintenant, en un siècle comme le
nôtre, qui a tant besoin de joyeux divertissements, non
seulement
de la douceur de sa véridique histoire, mais aussi de ses
contes
et de ses épisodes.
☐ I-XXVIII,
p. 251 |
Alors
que le roman touche à sa fin, Don Quichotte et Sancho
Pança arrivent à Barcelone où
« ils
virent la mer, qu'ils n'avaient jamais contemplée
auparavant » (II-LXI, p. 962). À
l'opposé
de ses personnages, Cervantes connaît la mer et les fortunes
de
mer : chèrement acquise, l'expérience
qu'il en a
enrichit l'œuvre des premières aux
dernières pages.
Il
n'est donc pas surprenant que les îles occupent ici une place
de
premier plan. Elles servent notamment d'aiguillon à
l'engagement
de Sancho auprès de Don Quichotte et soutiennent sa
détermination à le suivre en dépit des
mésaventures qui ne cessent de contrarier leur parcours.
Mais il y
a îles
et isles.
Les îles (islas
en espagnol) sont celles d'une géographie
familière
à Cervantes. Elles sont
situées le plus souvent en
Méditerranée (Chypre,
Majorque, Crète, Sicile,
Malte, …) ; plus
lointaines, elles marquent les limites de la présence
ibérique dans le monde, de Taprobane (aujourd'hui Sri Lanka)
aux Indes occidentales découvertes un siècle plus
tôt.
Les isles (insulas
en espagnol) renvoient à la géographie des romans
de
chevalerie, quand les plus illustres parmi les chevaliers errants
récompensaient leurs écuyers en leur confiant le
gouvernement d'une isle
fraîchement conquise 1 ;
telle est la tradition qu'affirme
vouloir suivre Don Quichotte : « je ne me
guide que sur
l'exemple notoire que me donne le grand Amadis de Gaule, qui fit son
écuyer comte de l'Isle Ferme » (I-L,
p. 483).
Comme
l'illustre ce jeu des isles
et des îles,
le roman se trame dans l'écart entre deux visions du monde
qui
tantôt s'opposent, tantôt se mêlent et
toujours se
font écho. La folie de Don Quichotte et de son
écuyer s'y
trouve mise en lumière et, tout autant, la sagesse de l'un
ou de
l'autre — quand, par exemple, Sancho peut enfin
exercer la
charge de gouverneur de l'isle
de Barataria.
1. |
Dans le souvenir de Cléopâtre,
Antoine n'était pas moins
généreux :
« … des royaumes et des
îles étaient la monnaie qui tombait de ses
poches » — Shakespeare, Antoine et
Cléopâtre, Acte V,
Scène II. |
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EXTRAITS |
Durant
ce temps-là, don Quichotte sollicita un laboureur de ses
voisins, homme de bien — si tant est que l'on puisse
appeler
ainsi celui qui est pauvre —, mais avec fort peu de
plomb
dans la cervelle. Au bout du compte, il lui dit tant, le persuada tant
et lui promit tant, que le pauvre manant résolut de partir
avec
lui et de lui servir d'écuyer. Entre autres choses, don
Quichotte lui disait de se préparer à aller avec
lui de
bonne grâce, car il pourrait bien lui arriver telle aventure
qu'il gagnât en un tournemain quelque isle et l'en
fît
gouverneur. Avec ces promesses et d'autres semblables, Sancho
Pança (car c'est ainsi que s'appelait le laboureur) laissa
là sa femme et ses enfants et s'enrôla comme
écuyer
de son voisin.
☐ I-VII, pp. 63
|
« Ami
Sancho, l'isle que je vous ai promise n'est ni mouvante ni
filante ; elle a des racines si profondes, qui plongent dans
les
abîmes de la terre, qu'on ne les arrachera pas plus qu'on ne
les
déplacera en deux coups de cuillère à
pot. »
☐
II-XLI,
p. 808
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—
Et quel est cet office que tu as laissé, Sancho ? demanda
Ricote.
—
J'ai cessé d'être gouverneur d'une isle,
répondit
Sancho, et qui est telle que, par ma foi, on n'en trouverait pas une
pareille à cent lieues à la ronde.
— Et où donc est cette isle ? demanda Ricote.
— Où ? répondit Sancho. À
deux lieues d'ici, et elle s'appelle l'isle Barataria.
— Tais-toi, Sancho, dit Ricote : les isles sont tout
là-bas dans la mer ; il n'y a pas d'isles en terre ferme.
☐
II-LV,
p. 912
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- «
El ingenioso hidalgo don Quijote de la Mancha », Madrid :
Juan de la Cuesta, 1605
- «
Segunda parte del ingenioso caballero don Quijote de la
Mancha »,
Madrid : Juan de la
Cuesta, 1615
- « Don
Quijote de la Mancha » edición del
Instituto
Cervantes dirigida por Francisco Rico, Madrid : Real Academia
Española, 2015
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- « Don Quichotte de la
Mancha » trad. de Francis de Miomandre, éd.
établie par Yves Roullière (2 vol.), Paris :
Pocket, 2019
- « Don
Quichotte de la Manche » trad. par Louis Viardot,
édition critique par Maurice Bardon, Paris :
Classiques
Garnier, 2018
- « L'ingénieux
hidalgo don Quichotte de la Manche » trad. par Louis
Viardot (2 vol.), Paris : Flammarion (GF, 196 et 197), 2016
- «
L'ingénieux hidalgo don Quichotte de la
Manche »
trad. de César Oudin et François de Rosset revue
par Jean
Cassou, ill. de Gérard Garouste (2 vol.),
Paris :
Diane de Selliers, 2012
- « Don
Quichotte de la Mancha » trad. de Francis de Miomandre, éd. établie par Yves Roullière,
Paris : Robert Laffont (Bouquins), 2011
- « Don
Quichotte » trad. par Jean-Raymond Fanlo,
Paris :
Librairie générale française (La
Pochotèque), 2008
- « L'ingénieux
hidalgo Don Quichotte de la Manche » trad. par Aline
Schulman, Paris : Seuil, 1997
- « L'ingénieux
hidalgo Don Quichotte de la Manche [suivi des] Nouvelles
Exemplaires » trad. de César Oudin et
François de Rosset revue par Jean Cassou, Paris : Gallimard (La
Pléiade), 1984
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mise-à-jour : 28
juillet 2019 |
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