Promenade autour du monde
pendant les années 1817, 1818, 1819 et 1820 sur les
corvettes L'Uranie et La Physicienne,
commandées par M. Freycinet / J. Arago, dessinateur
de l'expédition. - Paris : Leblanc, 1822. - 2 vol.
(XXX-452, 506 p. ; 21 cm) et un atlas (25 pl., 1
carte ; 32 cm)
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Moins connu aujourd'hui que
son frère François (savant et politicien),
Jacques Arago (1790-1855) a participé comme dessinateur
à la circumnavigation conduite par Louis de Freycinet qui,
insoucieux du règlement, avait entraîné
dans l'aventure sa femme, Rose.
La Promenade autour du monde
se compose de lettres où l'auteur consigne les
événements, observations ou anecdotes
relevés au
fil du périple. En escale à l'île
Maurice, Arago
s'intéresse aux écrivains locaux ; aux
îles Hawaii
il relève les motifs de tatouage. L'Uranie
poursuit sa course, passe aux Tonga puis en Australie ; sur le chemin
du retour, après avoir doublé le Cap Horn, le
navire fait
naufrage aux Malouines où la tempérance et la
philosophie
de l'auteur sont rudement mises à l'épreuve. La Promenade connut un
succès immédiat et fut plusieurs fois
rééditée. Mais l'auteur perd la vue en
1837, alors que le souvenir de ce voyage hors du commun ne cesse de le
hanter. Deux ans plus tard, il en propose une nouvelle
version : « Souvenirs d'un
aveugle : voyage autour du monde ». Puis il
quitte Paris en 1849, et s'embarque au Chili pour un nouveau
périple vers les Marquises, la
Nouvelle-Calédonie, Tahiti …
De retour à Paris,
Arago publie par jeu un « Voyage autour du monde
sans la lettre A » et, un an plus tard,
« Deux océans » un
récit fascinant par son style, par la vivacité de
ses analyses surtout, et par l'acuité du regard de celui que
la reine Pomaré
appelait affectueusement Matapo —
« nuit dans les yeux ».
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EXTRAIT |
LETTRE CLV
(De
la Baie des Français
1,
îles Malouines)
[…]
Vive la
philosophie, mon cher Battle ! mais vive surtout cette
philosophie
austère qui enseigne à se passer des choses les
plus nécessaires à la
vie ! Je sais qu'avec de la poudre, de l'industrie et Robinson Crusoe,
on meurt rarement de faim, même dans un
désert ; mais dès que le soleil, en se
levant le matin de notre naufrage,
nous montra les montagnes pelées et pierreuses qui dominent
le pays, et
que nos yeux affligés purent distinguer les plaines arides
et les dunes
de sable qui nous environnaient, nous sentîmes le besoin
d'appeler à
notre secours cette philosophie dont je parlais tout à
l'heure, et que
bon-gré mal-gré, il faut que nous mettions en
pratique. Si, au bout de
ces peines, on voyait un avenir plus riant, on se consolerait d'avance
de les éprouver ; mais quel avenir avons-nous
aujourd'hui ! La mort sur
une terre lointaine … Dis-moi, je te prie, quelle
est la philosophie
qui enseigne à considérer cette perspective avec
tranquillité.
J'ai
vu des hommes qui affrontaient les plus grands dangers avec le courage
le plus merveilleux, et qui, de retour de leurs entreprises,
étaient
effrayés de leur hardiesse et de leurs succès.
Telle est aujourd'hui
notre position. Hier, quand le navire coulait sous nos pieds, nous
entonnions des chants d'allégresse ; maintenant
nous nous présageons
des malheurs ! … Des
malheurs ! … Non, je n'y crois
plus ; des
contrariétés, oui. Les
éléphans de mer ne sont pas bons, mais enfin ils
se mangent, et tout bien considéré, sautons de
joie puisque celui que
nous avons tué nous promet des vivres pour une douzaine de
jours.
☐ Vol.
II, pp. 406-407 — extrait
partiellement cité par John Dunmore, « Les explorateurs français
dans le Pacifique » (tome 2 : XIXe
siècle), Les Éd. du Pacifique, Papeete, 1983
(p. 99).
1. |
Le
naufrage a eu lieu sur un écueil non
cartographié, à l'entrée de la baie
— aujourd'hui Uranie
Bay au nord-est d'East
Falkland. |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- Jacques
Arago, « Souvenirs d'un aveugle : voyage
autour du monde », Paris : Hortet &
Ozanne, 1839
- Jacques
Arago, « Voyage autour du monde sans la
lettre A », Paris : Librairie Nouvelle,
1853 ; Paris : Les Autodidactes, 1994
- Jacques
Arago, « Deux
océans », Paris : Librairie
Théâtrale, 1854
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mise-à-jour
: 9 novembre 2018 |
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Jacques
Arago
(gravure Alexandre Sixdeniers) |
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