Iles
à la dérive / Ernest Hemingway ; traduit
de
l'anglais par Jean-René Major. - Paris : Gallimard,
2011. -
655 p. ; 18 cm. - (Folio, 5259).
ISBN
978-2-07-044072-6
|
Publié en 1970 1,
neuf ans après la mort de l'écrivain, Islands in the Stream 2
relate en trois volets les dernières
années de Thomas Hudson, peintre qui
après des
années de bohème a trouvé la
reconnaissance. Bimini, le
premier volet de la trilogie, se déroule sur une
île de
l'archipel des Bahamas où le peintre s'est retiré
et
où il reçoit la visite de ses enfants
— parties de
pêche et longs retours introspectifs sur les
années
d'errance : séjours à Paris,
rencontres d'écrivains et peintres
célèbres
(Joyce, Pound, Picasso, Braque, Pascin, …). Les
vacances
terminées, quand les
enfants quittent l'île, la
scène se déplace à Cuba (qui donne son
titre au deuxième volet) ; la Seconde Guerre mondiale est en cours.
Thomas
Hudson traque les sous-marins allemands à la
manière des
corsaires d'antan et court les bars de La Havane entre deux missions.
L'aventure s'achève en
mer sur une ultime chasse et un ultime affrontement.
Récit posthume, Îles à la
dérive
est riche d'éléments autobiographiques dont la
portée est rehaussée, a posteriori, par le
suicide de
l'auteur : attendue autant que redoutée, la mort
hante
chaque page ou presque. Hemingway pourtant semble avancer
masqué : Thomas Hudson en effet est peintre et non
romancier. Mais peut-être faut-il voir un double discret de
l'auteur dans le personnage de Roger Davis très
présent
au premier volet du recueil où il poursuit avec Thomas
Hudson un
dialogue serré sur la pratique des deux
disciplines : « pourquoi
est-ce agréable de bien peindre et un enfer de bien
écrire ? »
(p. 117).
1. |
À
l'initiative de Mary Hemingway, veuve de l'auteur qui affirme, dans une
brève note introductive à l'édition
originale,
avoir procédé à de rares corrections
(orthographe
et ponctuation) et à quelques coupes ; pour le
reste,
précise-t-elle, « the
book is all Ernest's. We have added nothing to it ». |
2. |
« Îles
à la dérive », titre retenu
pour la traduction
française, souligne la tonalité dominante du
recueil, au
détriment de la pluralité des sens que porte
l'original
anglais. |
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EXTRAIT |
[Thomas
Hudson] avait depuis longtemps cessé de se tourmenter et il
avait exorcisé, dans toute la mesure du possible, le remord
par
le travail, et la seule chose dont il se souciait à
présent était que les enfants arrivaient et
qu'ils
devaient passer un bel été. Ensuite il se
remettrait au
travail.
Il avait pu remplacer presque tout, sauf
les enfants, par le travail et par l'existence laborieuse
régulière qu'il avait établie sur
l'île. Il
croyait avoir réussi là quelque chose et que cela
le
retiendrait. Maintenant quand il avait la nostalgie de Paris, il se
souvenait de Paris au lieu d'y aller. Il faisait la même
chose
pour toute l'Europe et pour une grande partie de l'Asie et de l'Afrique.
Il se rappelait ce que Renoir 1
avait dit quand on lui avait appris
que Gauguin était allé peindre à
Tahiti.
« Pourquoi dépense-t-il tant d'argent
pour aller
peindre si loin
quand on peint si bien aux Batignolles ? »
C'était meilleur en français, « quand
on peint si bien aux Batignolles », et Thomas
Hudson considérait l'île comme son quartier
et
il s'y était installé et connaissait ses voisins
et
travaillait aussi dur qu'il avait jamais travaillé
à
Paris lorsque le jeune Tom était un
bébé.
Quelque fois il quittait l'île pour aller
pêcher au
large de Cuba ou pour aller dans les montagnes en automne. Mais il
avait loué le ranch qu'il possédait dans le
Montana parce
que les meilleures saisons là-bas étaient
l'été et l'automne et que maintenant les
garçons
devaient toujours rentrer à l'école en automne.
Il devait parfois se rendre à New York pour voir
son
marchand. Mais à présent son marchand venait le
voir plus
souvent et remontait au nord avec les toiles. Il était connu
comme peintre et il était respecté à
la fois en
Europe et dans son propre pays.
☐ Bimini, pp. 18-19
1. |
Ambroise
Vollard attribue cette saillie à Degas :
« Degas
plaçait Gauguin très haut. Il lui reprochait
seulement
d'être allé peindre au bout du monde. Aux
Batignolles,
disait-il, ne peut-on pas faire d'aussi bonne peinture qu'à
Tahiti ? » —
« Deux peintres que j'ai
connus », Le
Figaro littéraire, 10 avril 1937. |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- «
Islands in the stream », New York : Charles
Scribner's sons, 1970
- « Iles
à la dérive » traduit de
l'anglais par
Jean-René Major, Paris : Gallimard (Du Monde entier),
1971
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mise-à-jour : 18
février 2015 |
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