Wendy Guerra

Mère Cuba

Stock

Paris, 2009

bibliothèque insulaire

   
Cuba
des femmes et des îles
parutions 2009
Mère Cuba / Wendy Guerra ; traduit de l'espagnol (Cuba) par Marianne Millon. - Paris : Stock, 2009. - 291 p. ; 20 cm.
ISBN 978-2-234-06226-9
Aux premières pages, Wendy Guerra invite ses lecteurs à suivre la trace de Nadia Guerra, jeune cubaine coincée entre un passé idéalisé et un présent étriqué : « nous nous berçons dans un idéal flottant, un non-endroit, une utopie encastrée au centre des Caraïbes » (p. 14). Une bourse liée à un vague projet artistique lui permet de quitter l'île — le projet masque mal la fuite.

Une deuxième figure féminine se dresse quand Nadia après avoir traversé l'Atlantique se lance sur la piste de sa mère, Albis Torres qu'elle retrouve à Moscou, harassée par les excès ou les manques d'une vie hors normes. Le retour à Cuba est chaotique et Nadia ne tarde pas à perdre sa mère.

C'est enfin la mémoire d'une troisième femme qui retient l'attention. Celia Sánchez, personnage historique (1920-1980) — héroïne de la révolution, proche de Fidel Castro et de Che Guevarra mais qui ne fut jamais première dame.

Ce parcours à rebours, où se mêlent et se heurtent rêve et désillusion, met en perspective l'histoire cubaine récente, en évitant les écueils de la complaisance ou du dénigrement systématique.
EXTRAIT    La maison de mon enfance était divisée ; l'espace que je partageais avec ma mère mesurait moins de quarante mètres carrés mais nous avions malgré tout deux bibliothèques. J'étais petite quand Mami est partie, mais j'ai conservé les deux bibliothèques dans ma mémoire.

   On pouvait voir une apparente ligne frontale d'étagères contenant des biographies, des journaux, des romans, des recueils de poèmes et, derrière, camouflée, la bibliothèque des livres recouverts, l'espace secret, le labyrinthe préféré de nos amis.

   Quand on parlait au passé de quelqu'un qui était venu nous voir une fois et qui avait pris le café dans notre séjour, c'était parce que ce quelqu'un n'était plus parmi nous. Quand on mentionnait son nom à voix basse, avec des surnoms ou des noms transformés, il était devenu un « innomable », quand on tendait l'exemplaire devant le yeux d'un autre ami, apparaissait un nouveau livre recouvert. Le même, mais « relié à la main ». Rebaptisé sous des titres inoffensifs tels que : Manuel d'instruction, Collège des amis, Comment apprendre sans souffrir ? de J.J. Almirall.

   Ceux qui atterrissaient dans le fond, dans l'obscurité étendue, au milieu d'une architecture invisible, dans le labyrinthe où étaient rangés les plus convoités. Des livres humides comme les outils du comte de Monte-Cristo. Chacun d'eux arrivait chez moi de façon différente. C'étaient les « années sombres », et les textes sombres étaient cachés là.

   Cette liste de titres n'était pas donnée à tous, on ne la prêtait presque à personne, ces exemplaires ne sortaient pas de la maison. Entre les repas inventés et les ersatz de café, on les lisait debout.

pp. 215-216
COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE
  • « Nunca fui primera dama », Barcelona : Bruguera, 2008
  • « Mère Cuba », Paris : Librairie générale française (Le Livre de poche, 32322), 2011
  • « Tout le monde s'en va », Paris : Stock, 2008 ; Librairie générale française (Le Livre de poche, 31485), 2009
  • « Poser nue à La Havane : sur les traces d'Anaïs Nin, Cuba 1922 », Paris : Stock, 2010 ; Librairie générale française (Le Livre de poche, 32577), 2012
  • « Negra », Paris : Stock (La Cosmopolite), 2014
  • « Un dimanche de révolution », Paris : Buchet Chastel, 2017

mise-à-jour : 20 février 2018

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