10ème
édition du Prix du
Livre Insulaire (Ouessant 2008)
ouvrage
en compétition |
Madame Bobby,
pionnière du tourisme en Polynésie française
1934-1976 / Sylvie Jullien-Para ; préface de Christa
Winkelstroeter Teihotu. - Papeete : Éd. Le Motu,
2007. - 183 p. : ill. ; 23 cm. - (Expression
libre).
ISBN 978-2-915105-44-5
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NOTE DE L'ÉDITEUR : Fuyant la montée du nazisme en Europe, Jeanne et Bobby Winkelstroeter débarquent à Tahiti en 1934.
D'abord cultivatrice dans la Baie de Cook à Moorea, Jeanne, dite
« Madame Bobby », va vivre au rythme paisible de
la colonie jusqu'à la fin de la Deuxième Guerre mondiale,
puis lancer en 1951 avec son frère Marcel Lasserre et des
associés la première compagnie aérienne du
Territoire Air Tahiti au
moyen d'appareils amphibies. Véritable pionnière du
tourisme en Polynésie française, elle va également
créer la première agence de voyage réceptive Tahiti Tours et le premier véritable hôtel sur l'île sœur, l'Hôtel Aimeo.
Ce sont les temps mythiques des hydravions
glissant sur le lagon encore gris de sommeil ; des
traversées maritimes folkloriques à bord des
goélettes ; de la résurrection des danses
anciennes …
Jetant un regard plein d'humour sur ces premiers touristes qui
« voyagent avec leurs habitudes et leur pays
accrochés à la semelle de leurs souliers », Madame
Bobby s'était faite le chantre de la culture polynésienne
et de ses traditions, contribuant à les sauvegarder et à
exporter dans le monde entier l'image d'un pays authentique et
attachant.
❙ Sylvie Jullien-Para,
journaliste de formation, vit à Moorea depuis 2002. Elle s'est
basée sur les lettres écrites par Madame Bobby à
sa famille et sur les archives territoriales pour livrer ce
précieux témoignage sur la vie à Tahiti et
à Moorea dans les années trente à cinquante.
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EXTRAIT |
Décembre
1952 — Les touristes sont un drôle de
« bétail ». Imaginez-vous des gens qui ont
payé une somme X pour voir un pays et qui, à partir de ce
moment-là, se remettent entre les mains d'une agence de voyages
comme des paquets : « Ouf, me voilà !
Occupez-vous de moi, dites-moi ce que je dois faire aujourd'hui,
demain, après-demain » ;
« Montrez-moi ce que je dois voir dans ce pays, dites-moi ce
que je dois trouver intéressant afin que je puisse le raconter
à tout le monde quand je reviendrai chez moi » ;
« Combien coûte ceci ? » ; « Combien
coûte cela ? » ; « Mais c'est dix
francs plus cher qu'aux Fidji et cinq francs moins cher qu'en
Amérique ! » ; « Ah vous savez,
j'ai besoin de l'eau chaude et froide dans mon
hôtel … » ; « C'est
très ennuyeux que le thé du matin n'ait pas le même
goût que celui que je prends chez moi en
Nouvelle-Zélande ! » ;
« Pouvez-vous me dire où manger comme chez moi en
Amérique ? … »
C'est à vous couper bras et jambes ces gens qui paient une
petite fortune pour se rendre en avion à des centaines de milles
de chez eux, et qui ne pensent à autre chose que de se balader
avec, pour ainsi dire, leur pays, leurs habitudes et leurs
préjugés attachés à la semelle de leurs
souliers ! Je me tue à leur expliquer que quand on veut la
civilisation il faut aller voir l'Europe, que si l'on veut du luxe, il
faut s'arrêter à Hawaii, que Tahiti est le dernier pays
des mers du Sud où l'on trouve encore des coins
délicieusement vierges des plus gros méfaits de la
civilisation, qu'il faut venir ici pour goûter la paix, la
simplicité, la petite aventure — oh, pas
dangereuse ! — au détour d'un sentier
bordé de cocotiers …
Mais il y en a très peu qui comprennent cela. Aucune initiative
d'aller à la découverte par eux-mêmes, aucune
fantaisie.
☐ p. 129 |
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mise-à-jour : 12 juin 2008 |
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